Dans leur ouvrage Apprentissage inversé, Sam et Bergmann, les précurseurs de la classe inversée, définissent l’apprentissage inversé comme :«une approche pédagogique dans laquelle l’enseignement direct se déplace de l’espace d’apprentissage d’un groupe pour occuper celui d’un individu. La résultante de cette mutation est la conversion de l’espace de groupe en une zone pédagogique dynamique et interactive ou l’enseignant guide ses élèves dans l’intégration des concepts et dans l’engagement de leur créativité au service de l’apprentissage. »
L’apprentissage inversé implique par conséquent une préparation de la phase en autonomie, afin de ne pas laisser l’étudiant seul, mais de le guider dans une première étape d’autoformation.
Les limites de cette démarche sont liées à l’outil. En effet, pouvoir créer des exercices interactifs en ligne offre la possibilité d’une évaluation formative à l’étudiant lors de l’apprentissage à l’extérieur de la classe. Cependant, l’enseignant peut n’avoir qu’un drive sur lequel déposer des ressources et quelques Google forms pour créer des questionnaires dans le cadre de l’évaluation formative.
Pour ce qui est de l’apprentissage d’une langue, l’évaluation formative trouve sa place également lors de la phase synchrone d’échange avec l’enseignant. Il peut s’agir d’évaluer la prononciation, l’expression orale, mais cela peut aussi donner lieu à la correction des écrits.
Quel intérêt dans le cadre du cours de FOS?
Les cours de FOS sont des cours destinés à des publics spécifiques exprimant des besoins particuliers. Le FOS se distingue du Français langue professionnelle (FLP) dans le sens où il découle d’une analyse de besoins spécifiques.
Cette approche dans le cadre de la classe inversée permet de situer l’étudiant dans un contexte très proche d’une véritable situation de travail. En effet, la phase de travail en autonomie replace l’étudiant dans une situation qu’il peut réellement vivre en contexte professionnel. Dans cette optique, les activités proposées s’inscrivent dans le cadre des pédagogies actives, et en particulier de la pédagogie par projet. Cette approche permet de proposer des activités dans le cadre d’une perspective actionnelle afin de favoriser le transfert des compétences acquises en situation de travail à la suite de la formation.
Une séance en apprentissage inversé pour un commercial de niveau B1
Nous avons proposé à un étudiant, commercial pour une entreprise industrielle, de travailler sur la présentation de sa société dans le cadre de participation à des salons en France. L’objectif de son travail en autonomie étant de participer à une simulation durant la phase synchrone du cours.
Le travail préparatoire durant la phase asynchrone consiste à acquérir du vocabulaire et des structures propres au pitch commercial afin de pouvoir produire un discours commercial de présentation de son entreprise. Enfin, l’objectif professionnel est de pouvoir réutiliser le vocabulaire, les structures étudiées et les techniques de prise de parole en contexte professionnel.
Après cette séance, j’ai interrogé l’étudiant pour savoir ce qu’il pensait de cette approche. Comme plusieurs étudiants à qui j’ai posé cette question « l’utilité » professionnelle était le principal argument de satisfaction. Cette utilité donne tout son sens à la démarche qui vise à développer des compétences réutilisables en situations professionnelles.
Au terme de cet article, il apparait que la démarche de la classe inversée en FOS permet d’inscrire l’apprentissage dans une perspective actionnelle, et d’offrir l’opportunité à l’apprenant de mettre en pratique les savoir-faire langagiers dans un cadre au plus proche de la réalité des situations professionnelles qu’il pourrait vivre. L’accès à l’implicite et au contexte interculturel est favorisé par l’accès à des contenus authentiques ciblés en fonction des besoins spécifiques des apprenants. Enfin, la classe inversée est l’occasion, pour l’apprenant, de mettre en œuvre des habiletés transposables en situation de travail grâce au développement de stratégies métacognitives dans le cadre de son apprentissage.
Publié le 16 octobre 2020 et modifié le 28 octobre 2022
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Les métiers de la finance ont fortement évolué au cours des dernières décennies. En effet la finance s’est digitalisée et a vu apparaître des plateformes permettant d’accélérer les échanges entre les investisseurs et les sociétés en recherche de capitaux. Par ailleurs, la digitalisation permet également de désintermédier les échanges de capitaux au niveau mondial. Et, afin d’être compétitives, les entreprises multinationales doivent internationaliser leurs équipes.
L’anglais apparaît alors comme la lingua franca de ce secteur professionnel. Cependant, pour certains profils, la maîtrise de la langue française est nécessaire, et apparaît dans les critères de recrutement de certaines offres d’emplois, celles de profils en contact avec la clientèle francophone, en particulier.
La création d’une formation de français destinée à des product marketing managers dans un cadre professionnel déterminé relève alors du français sur objectif spécifique, c’est-à-dire d’une approche sur mesure. Avant de passer à la conception de la formation, il faudra réaliser un audit linguistique, autrement dit, il faudra déterminer les objectifs linguistiques précis à partir de l’analyse de documents et d’entretiens menés au sein de l’entreprise.
L’analyse des besoins dans le cadre de la conception d’un programme de français sur objectif spécifique s’appuie sur le recensement des situations de communication auxquelles sera confronté l’apprenant dans le cadre professionnel mais doit également tenir compte des besoins en termes culturels. Car les éléments culturels « jouent un rôle important dans l’organisation des institutions et des relations entre les individus, tant sur le plan comportemental que langagier » (Mangiante, Parpette, 2017).
Outre le relevé d’indices concernant l’activité professionnelle à travers l’examen des offres d’emplois, fiches métiers ou vidéos présentant la profession, il est également nécessaire de mener une enquête auprès des commanditaires de la formation et des apprenants.
En effet, l’enquête sur le terrain permettra de préciser les besoins. Mais il n’est pas surprenant que les besoins exprimés par les services formation ou RH des entreprises diffèrent parfois de ceux exprimés par les apprenants, ces derniers accordant une importance particulière aux échanges informels et à la dimension culturelle en entreprise.
Ainsi, on ne peut limiter la communication en entreprise à la communication procédurale ou technique, et le programme de FOS devra en tenir compte. La communication, notamment orale, participe de la construction d’une identité organisationnelle. Aussi, lorsque le bureau ou l’entreprise est situé dans un pays francophone, la localisation va jouer un rôle dans la construction d’identités organisationnelles. L’entreprise est également le lieu d’échanges informels qu’il faudra prendre en compte dans la réalisation de la formation.
L’analyse des besoins
L’analyse des besoins des product marketing managers a été menée en deux temps.
Tout d’abord, il a fallu recueillir toutes les informations pertinentes permettant de connaître les situations de communication dans lesquelles pouvaient se trouver les salariés : analyse des fiches de postes ou de référentiels emplois et relevé des tâches impliquant l’usage de la langue à l’écrit et à l’oral.
Cette première étape a été complétée par des entretiens avec les futurs apprenants. ela n’est pas toujours possible avant la formation mais les entretiens en cours de formation permettent également de préciser les besoins. Ces échanges ont permis de relever un grand nombre d’informations permettant d’affiner la formulation des objectifs pédagogiques.
Pour mener l’entretien téléphonique, j’ai créé un questionnaire recensant les questions récurrentes. Aux différents points listés, peuvent s’ajouter d’autres questions en fonction de la situation particulière de l’apprenant.
A l’issue de l’analyse des données recueillies, on peut élaborer une synthèse des objectifs professionnels nécessitant l’usage de la langue française et créer un référentiel des compétences linguistiques et culturelles afin de bâtir le programme de formation.
Suite à cette analyse, nous avons décidé de bâtir un programme en partant d’une situation de départ et en donnant le rôle de product marketing manager à l’apprenant. Dans le cadre d’une simulation faisant intervenir plusieurs apprenants, d’autres rôles peuvent être créés afin de favoriser les interactions entre pairs.
Ce programme est destiné à être utilisé dans le cadre d’un cours en classe inversée où les apprenants mettront en oeuvre essentiellement l’expression et la compréhension orale durant la phase avec le formateur. Chaque séance avec le formateur est prévue pour durer une heure. La durée de la phase asynchrone située en amont de la phase en présentielle est prévue pour durer également une heure.
La mise en place d’un programme de français sur objectif spécifique n’est pas figée. En effet, les besoins de l’apprenant peuvent évoluer au fil de l’avancée des cours et il faudra alors intégrer ou retirer certains points, tant au niveau linguistique que culturel.
Pour aller plus loin :
CARRAS Catherine, TOLAS Jacqueline, KOHLER Patricia, et al. Le français sur objectifs spécifiques et la classe de langue CLE international/Paris, 2007, 207 p.
MANGIANTE Jean-Marc, PARPETTE Chantal Le français sur objectif spécifique : de l’analyse des besoins à l’élaboration d’un cours Hachette FLE/Vanves, 2004, 160 p.
article du 18 août 2020 modifié le 28 octobre 2022
Que l’on adopte le rôle du concepteur, de l’animateur, du formateur ou de l’apprenant, le cours de langue, plus que toute autre formation professionnelle est l’occasion de mettre en œuvre la créativité.
Mais qu’entend-on par créativité?
Dans son ouvrage Psychologie de la créativité, Todd Lubart propose une définition consensuelle : « La créativité est la capacité à réaliser une production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste ».
Si l’on transpose au niveau des concepteurs pédagogiques, des formateurs et des enseignants, c’est l’opportunité de produire des dispositifs innovants permettant de répondre à un nouveau contexte d’enseignement, à un public particulier, à un besoin spécifique. Pour les apprenants, la créativité est la capacité à produire des discours, à réaliser des tâches dans une langue et une culture nouvelles.
Et qu’est-ce qu’une simulation globale?
« Une simulation globale est un protocole ou un scénario cadre qui permet à un groupe d’apprenants (…) de créer un univers de référence, un immeuble, un village, une île, un cirque, de l’animer de personnages en interaction et d’y simuler toutes les fonctions du langage que ce cadre, qui est à la fois un lieu thème de référence et un univers de discours, est susceptible de requérir. » (Francis Debyser, L’immeuble, 1986).
La simulation globale permet ainsi la co-construction d’un univers, d’identités et d’interactions langagières par le formateur et l’apprenant. Son fonctionnement, basé sur la communication au sein d’interactions variées donne la possibilité de mettre en pratique la langue orale et langage écrit, dans des situations informelles ou professionnelles.
En outre, l’apprenant devra mobiliser des compétences transversales comme les compétences émotionnelles, l’empathie ou la créativité qui sont prises en compte au même titre que les compétences langagières. Cela implique une part d’inattendu car certaines étapes de la planification doivent laisser place aux propositions des apprenants, et une capacité à accueillir le changement et l’imprévu comme ressources didactiques.
Mais concrètement, ça donne quoi?
J’ai mis en pratique plusieurs simulations globales à des niveaux débutants et avancés, pour l’apprentissage du français langue maternelle, langue étrangère ou dans le cadre de l’apprentissage de l’anglais de l’hôtellerie.
Vous trouverez ici le canevas d’une simulation globale pour une formation « améliorer ses écrits professionnels » destinés à des apprenants de français langue maternelle dans un cadre professionnel sur 2 jours.
Pour commencer, je parlerai d’un de mes étudiants qui n’était pas du tout, mais alors pas du tout engagé, et cela depuis le début de la formation, jusqu’à ce que, rapidement, je ne le vois plus. Il avait enfin obtenu une formation de français langue étrangère, plusieurs années après l’avoir demandée à son employeur, et elle ne faisait plus vraiment partie de ses priorités. Sans cette formation, il avait réussi à s’intégrer socialement, il avait progressé dans son emploi. Et apprendre une langue pour le plaisir n’était pas du tout son truc.
Autant dire qu’au bout de 3 cours, il avait disparu dans la nature, non sans avoir mis fin rapidement au deuxième cours pour manque de batterie (il s’agissait d’un cours en ligne), partagé le troisième cours avec le chat de sa belle-mère et sa fille en CM1 (en vacances scolaires), à qui il faisait faire les exercices et qu’il essayait de mettre à sa place (sa fille, pas le chat !). Oui, j’avais eu beau consacrer le temps nécessaire à bâtir un programme sur mesure, créer une atmosphère bienveillante, ce cours était voué à l’échec. Il l’avait d’ailleurs verbalisé d’entrée de jeu, ce cours arrivait trop tard, il n’en avait plus besoin.
man facing to a challenge
Heureusement, je me retrouve rarement dans ce genre de situations et dans cet article, je vous propose d’analyser les différents facteurs qui vont favoriser l’engagement et quels outils peuvent être utilisés pour le favoriser.
Reprenons le cas de mon étudiant. Il se retrouvait en formation alors qu’il ne l’avait pas décidé. Elle était imposée par une hiérarchie qui semblait répondre à un besoin, malheureusement exprimé plusieurs années auparavant, et qui ne s’inscrivait plus dans les projets de l’apprenant. Autant dire que la formation n’était plus perçue comme utile par l’apprenant. Et c’est là un premier point important de l’engagement, la formation doit être perçue comme utile et s’inscrire dans un projet ou être perçue comme positive pour les projets futurs : installation en France, promotion professionnelle, suivi des enfants scolarisés…
Du point de vue de la pratique, je consacre toujours le premier cours à approfondir les buts poursuivis par l’étudiant dans l’apprentissage de la langue à travers une série de questions permettant de comprendre dans quelles situations il serait amené à utiliser la langue tant au niveau personnel que professionnel. Quels sont ses besoins spécifiques tant au niveau linguistique qu’au niveau des situations de communication qu’il pourrait rencontrer. Les motifs varient du simple besoin de pouvoir se débrouiller dans le pays, à l’intérêt pour la connaissance approfondie des mécanismes linguistiques et des particularités socio-culturelles, en passant par le besoin de reconnaissance professionnelle.
Au-delà des motifs d’entrée en formation, il est aussi important de construire un périmètre dans lequel aura lieu l’activité d’apprentissage afin de créer des conditions pédagogiques et organisationnelles favorables à l’engagement :de combien de temps l’apprenant dispose-t-il par semaine pour étudier le français? Quelles seraient ses disponibilités, le matin, le soir? Sera-t-il amené à voyager? Y aura-t-il des moments de forte activité ne permettant pas de participer au cours? En effet, la formation fera partie d’un ensemble d’activités quotidiennes que l’apprenant devra prioriser. Il devra éventuellement renoncer à d’autres activités pour mener à bien son parcours. Il est important qu’il en ait conscience dès le début.
Sur le plan pédagogique, je propose alors un programme qui doit être validé par l’apprenant. Est-il d’accord sur les modalités pédagogiques? Les contenus? En effet, il s’agit d’instaurer une relation de confiance où l’étudiant peut poser des questions, exprimer de nouveaux besoins et recevoir des feed-backs sur ses productions. Il s’agit de créer des conditions pédagogiques et organisationnelles permettant de renforcer l’utilité de la formation chez l’apprenant.
S’impliquer dans une formation, c’est également confronter l’image qu’on a de soi aux autres et à soi-même. On aborde ici les représentations du sujet quant au sentiment d’efficacité personnelle très souvent liée à sa biographie langagière. Ainsi, certains apprenants peuvent être polyglottes et n’hésiteront pas à prendre la parole car ils sont persuadés qu’ils pourront maîtriser une langue. D’autres, au contraire, auront eu une expérience plombée par les échecs de l’apprentissage d’une langue étrangère et auront besoin d’être rassurés quant à leurs capacités. Enfin des facteurs culturels peuvent influer sur la prise de parole car se tromper serait perdre la face. Il est donc important de créer une atmosphère bienveillante où les feedbacks viennent valoriser les efforts et amènent les étudiants à s’auto-corriger. Il est très important de donner une image positive à l’apprenant de lui-même afin de ne pas le décourager.
Pour résumer, l’implication de l’étudiant dans sa formation relève de différents facteurs:
organisationnels : il est important que l’étudiant prenne conscience qu’apprendre une langue nécessite du temps et qu’il devra organiser son emploi du temps en fonction, éventuellement renoncer à d’autres activités
personnels : il faudra amener l’étudiant à s’interroger sur les buts poursuivis par l’apprentissage d’une langue, à préciser ses objectifs. Il est également intéressant de connaître sa biographie langagière. Quelles langues ont été apprises précédemment, comment a-t-il vécu ces expériences?
pédagogiques : l’analyse des buts de l’étudiant permettra de bâtir un programme adapté ou d’adapter un programme existant aux besoins spécifiques de l’apprenant, tout en n’étant pas figé et permettant à l’apprenant de poser des questions au fil de ses expériences.
interpersonnels : la relation pédagogique qui s’établit entre l’apprenant et le formateur doit être une relation de confiance. Ainsi, l’apprenant délègue au formateur de soin de le guider dans son apprentissage. Mais au-delà, la dynamique identitaire du sujet est en jeu et le formateur est également celui qui veillera à créer une atmosphère positive permettant à l’apprenant d’identifier les obstacles tout en lui offrant l’opportunité de développer ses ressources.
publié le 25 janvier 2021 modifié le 28 octobre 2022
Apprendre une langue, quoi qu’en disent les slogans prometteurs de nombreuses applications, repose essentiellement sur un travail régulier et la persévérance de l’apprenant. Mémoriser de nouvelles structures syntaxiques, garder un nouveau lexique en mémoire, discriminer de nouveaux sons, reproduire une intonation, mais également découvrir de nouvelles valeurs socio-culturelles, tout cela demande beaucoup d’efforts et de motivation. Si la plupart des apprenants sont très enthousiastes les premiers temps de la formation, tous les formateurs en langue ont connu des décrocheurs, ou l’ont peut-être été eux-mêmes.
Quels sont alors les leviers du formateur pour maintenir et développer la motivation des apprenants? Pour répondre à cette question, il nous faudra d’abord interroger la notion même de motivation.
Silhouette of helping hand between two boys climber
Qu’entend-on par motivation de l’apprenant?
Actuellement, les discours sur la formation, et particulièrement sur la formation en ligne, regorgent de références à l’engagement de l’apprenant. Il s’agit de le mesurer grâce aux taux d’engagement, de complétion, de connexions … et de mieux appréhender les comportements de l’apprenant afin de pallier les décrochages. Dans le cadre d’un cours en présentiel, il est également possible d’observer des données comme la présence et la participation aux activités. Cependant, si l’évaluation de l’engagement de l’apprenant peut nous amener à proposer des solutions favorisant la motivation, il est également indispensable de s’interroger sur les perceptions et les croyances de l’apprenant qui vont également conditionner sa motivation : sentiment d’efficacité personnelle, estime de soi, parcours éducatifs antérieurs, objectifs poursuivis, etc… Enfin la situation d’apprentissage (dispositif pédagogique, accompagnement pédagogique, méthodes pédagogiques) doit aussi faire l’objet d’un questionnement en lien avec les facteurs de motivation des apprenants.
Comprendre les motifs d’entrée en formation
Dans son ouvrage De la motivation à la formation Philippe Carré établit une taxonomie des motifs d’engagement en formation des adultes et les répartit en cinq catégories:
le motif intrinsèque tourné vers l’apprentissage : la motivation première est ici liée au savoir lui même. L’apprenant en FLE souhaite apprendre ou progresser dans l’apprentissage de la langue et de la culture. Cet apprentissage représente une source de plaisir, il est poussé par la curiosité, la passion pour l’apprentissage des langues et cultures.
les motifs intrinsèques tournés vers la participation: L’apprenant vient ici chercher l’occasion d’échanger, de développer de nouvelles relations, de communiquer. Mais c’est aussi pour le plaisir de pratiquer l’activité de formation. Ici l’apprentissage d’un objet particulier, pour nous le FLE, n’est pas le motif premier. Par exemple, l »apprenant apprécie particulièrement le fait d’échanger avec le formateur comme il pourrait discuter avec un ami.
les motifs extrinsèques tournés vers l’apprentissage : ceux sont les motifs opératoires professionnels et personnels, le plus souvent verbalisés par les apprenants : ils ont besoins d’acquérir des compétences linguistiques pour leur activité professionnelle (écrire des mails, participer à des réunions avec des clients français, par exemple) mais également dans le cadre des rapports extraprofessionnels (cela peut être participer aux discussions informelles avec leurs collègues, acheter un bien immobilier ou suivre la scolarité des enfants).
les motifs extrinsèques tournés vers la participation : il s’agit de motifs économiques, prescrits ou dérivatifs. Ainsi, certains apprenants apprennent le français afin de pouvoir obtenir des promotions au sein de l’entreprise. Le développement des compétences linguistiques conditionnant alors leur développement professionnel et économique. Dans le cadre professionnel, la formation peut, en outre, être prescrite par la loi. Ainsi, les salariés non européens ayant un niveau inférieur au niveau A1 du CECR se voient-ils prescrire une formation en français dans le cadre du contrat d’intégration républicaine. Enfin, les motifs dérivatifs amènent à utiliser la formation pour fuir une situation perçue comme négative au niveau professionnel ou socio-affectif.
les motifs extrinsèques hybrides: l’acquisition des compétences linguistiques peut également viser la reconnaissance sociale, elle touche à l’identité de l’individu. Ainsi, certains des apprenants que je suis au niveau C1 souhaitent améliorer leur prononciation afin que les clients n’entendent plus qu’ils sont étrangers. Car ils pensent que cela leur permet d’être plus crédibles aux yeux de ces derniers. Ce motif est très proche du motif vocationnel où l’apprentissage du français est envisagé comme un élément participant à la gestion de carrière. il s’agit d’une approche instrumentale ou l’acquisition et le développement de compétences constituent un capital dans lequel on puisera en fonction des opportunités.
Ces motifs ne sont pas figés et uniques. Ils peuvent se cumuler et varier dans le temps, c’est pourquoi il est nécessaire de questionner l’apprenant dès le début de la formation sur ses motivations, puis lui donner la possibilité, tout au long de la formation, de pouvoir préciser ou modifier ses motifs. En effets, certains motifs peuvent être non avoués, masqués dans un premier temps, puis au fil des séances, l’étudiant peut donner la vraie raison de sa présence en formation. En progressant, l’étudiant peut également trouver du plaisir à étudier une langue et les motifs qui l’amènent en formation peuvent évoluer de motifs extrinsèques vers des motifs intrinsèques.
La connaissance des motifs représente aussi un élément initial permettant de construire un parcours personnalisé et participe de l’analyse des besoins de l’apprenant. En effet, élaborer la progression pédagogique d’un cours pour un étudiant fortement motivé par l’apprentissage des langues et cultures sera différent de la mise en place d’un accompagnement pour des apprenants dont la présence en cours de langue est le fruit d’une prescription.
Pour aller plus loin: sous la direction de Philippe Carré, 2001, De la motivation à la formation,, collection savoir et formation, éditions L’Harmattan
sous la direction de Philippe Carré et Fabien fenouillet, 2009, Traité de psychologie de la motivation, Théorie et pratiques, , Editions Dunod
article publié le 20 février 2020 modifié le 28 octobre 2022
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