Comment s’y retrouver et faire les bons choix pour vos formations pro ?
XR, VR, AR… Le jargon donne souvent le vertige. Et pourtant, ces technologies immersives s’invitent de plus en plus dans les plans de formation. Faut-il investir ? Pour quels usages ?
Je vous propose un guide simple et surtout pratique, avec des cas d’application.
Démystifions la galaxie XR : un guide simple pour s’y retrouver
XR (Extended Reality) est un terme générique qui englobe toutes les technologies immersives. Pensez-y comme à un parapluie sous lequel se nichent la réalité virtuelle, la réalité augmentée et la réalité mixte.
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Réalité Virtuelle (VR)
C’est la plus connue. La VR vous immerge totalement dans un environnement numérique, coupant le lien avec le monde réel. Imaginez-vous en train de piloter un avion ou de visiter un site historique à l’autre bout du monde, sans bouger de votre canapé. Les casques VR, comme le Meta Quest, sont les outils typiques de cette immersion. L’objectif est de créer un sentiment de « présence », c’est-à-dire de se sentir réellement « là-bas” ou de sentir le mouvement de vitesse en regardant le paysage à travers la vitre d’un train.
Réalité Augmentée (AR)
L’AR superpose des éléments numériques au monde réel. Votre environnement physique reste visible, mais il est enrichi d’informations virtuelles. Pensez aux filtres Snapchat ou à des applications qui vous permettent de visualiser un meuble dans votre salon avant de l’acheter. En formation, cela peut se traduire par des instructions de montage affichées directement sur une machine réelle.
Réalité Mixte (RM ou MR)
C’est le petit dernier, et souvent le plus « mystérieux ». La RM fusionne le monde réel et le monde virtuel, permettant aux objets numériques d’interagir avec l’environnement physique en temps réel. Imaginez un hologramme 3D d’un moteur flottant devant vous, que vous pouvez manipuler et démonter avec vos mains. C’est plus qu’une simple superposition, c’est une véritable cohabitation interactive.
la CAVE
La CAVE (Cave Automatic Virtual Environment) est une salle immersive où des images sont projetées sur tous les murs, le sol et parfois même le plafond, créant une immersion à 360 degrés sans casque. C’est un peu le « grand frère » des expériences VR individuelles, idéale pour la collaboration en groupe.Un exemple par ici
La XR : au service de l’efficacité pédagogique, pas un gadget
Maintenant que le vocabulaire est clair, passons à l’essentiel : pourquoi investir dans ces technologies pour la formation professionnelle ? Loin d’être un simple gadget, la XR est un véritable accélérateur pédagogique, offrant des avantages que les méthodes traditionnelles peinent à reproduire.
L'immersion au service de la mémorisation et de la compréhension
Plonger un apprenant dans un environnement réaliste favorise l’acquisition de compétences pratiques et par conséquent permet de développer son employabilité. L’apprentissage expérientiel et incarné, rendu possible par la XR, facilite la mémorisation et la compréhension. Lorsque l’on vit une situation, même virtuelle, l’impact est bien plus fort que de la lire dans un manuel.
Sécurité et répétition illimitée
Formez vos équipes à des gestes techniques dangereux (travail en hauteur, manipulation de machines complexes) ou à des situations de crise (incendie, gestion d’un client agressif) sans aucun risque physique. La XR permet de répéter ces scénarios autant de fois que nécessaire, jusqu’à l’acquisition d’automatismes, un luxe impossible ou trop coûteux dans le monde réel. L’erreur devient une opportunité d’apprentissage, sans conséquences fâcheuses.
Développement des soft skills en conditions réelles
Entraînez vos managers à la gestion de conflits, vos commerciaux à la négociation, ou vos équipes aux entretiens délicats. La VR permet de simuler des interactions humaines complexes avec des avatars ou des personnages non-joueurs (PNJ), offrant un espace sécurisé pour expérimenter et ajuster les comportements.
Accès à des situations rares ou coûteuses
Certains métiers nécessitent une exposition à des environnements ou des équipements spécifiques, souvent inaccessibles. La XR supprime ces barrières. Visitez des usines à l’étranger, opérez sur des machines de pointe, ou entraînez-vous à des procédures d’urgence complexes, le tout depuis une salle de formation.
Feedback immédiat et personnalisé
Les environnements immersifs collectent une multitude de données sur les actions de l’apprenant (direction du regard, temps de réaction, décisions prises). Ces « traces d’apprentissage » permettent un feedback en temps réel et une correction immédiate des erreurs, optimisant ainsi le parcours pédagogique.
Cas d’usage concrets : là où la XR fait la différence
La théorie, c’est bien, mais les exemples, c’est mieux. Voici quelques cas d’usage où la XR démontre concrètement sa plus-value en formation professionnelle :
Formation en langues
Imaginez un apprenant en anglais interagissant avec des personnages virtuels dans un café londonien, commandant un café, posant des questions, et recevant un feedback immédiat sur sa prononciation et sa grammaire. La VR offre un espace sûr pour pratiquer sans la peur du jugement, et l’immersion culturelle renforce l’engagement. Des formations comme celles de Beyond-Words, Mondly VR ou ImmerseMe sont déjà sur le marché et proposent ce type d’expérience.
Développement des soft skills
La Faculté de Droit de l’Institut Catholique de Lille a développé une expérience VR où les étudiants s’entraînent à mener des entretiens avec des clients « sensibles » ou agressifs. Ils doivent gérer leurs émotions, choisir les bonnes réponses face à des situations imprévues, et maintenir leur calme. Les scénarios proposent des niveaux de difficulté croissants, permettant une progression réaliste.
Formation aux gestes métiers et à la sécurité industrielle
Que ce soit pour apprendre à manipuler des outils complexes, réaliser des opérations de maintenance sur des machines, ou simuler des procédures d’urgence, la XR est un atout majeur. Les apprenants peuvent s’exercer en toute sécurité, répéter les gestes jusqu’à la perfection, et commettre des erreurs sans conséquences coûteuses. C’est une solution idéale pour les secteurs de l’industrie, du BTP, ou de la santé.
Intégration et onboarding
Accueillez vos nouveaux collaborateurs dans un environnement immersif pour leur présenter l’entreprise, ses valeurs, ses process, et même les initier à leur poste de travail avant leur premier jour. Cela réduit le stress, accélère l’intégration et renforce l’engagement.
Voici un aperçu rapide des cas où la XR fait vraiment la différence… et ceux où elle est moins pertinente.
Type de situation
Objectif
Pertinence de la XR
Exemples concrets
Apprentissages gestuels / techniques
Apprendre un geste ou une procédure complexe
Très haute (immersion, répétition, sécurisation)
– Montage d’un moteur en mécanique auto (VR)
– Geste chirurgical ou infirmier (VR)
– Sécurité incendie (AR)
Situations à risque ou coûteuses
Former sans danger ni coût logistique
Très haute
– Simulation de conduite d’engin (VR)
– Maintenance en centrale électrique (VR)
– Réaction en cas d’incident industriel (VR)
Immersion linguistique et culturelle
Vivre une langue ou un contexte social/professionnel
Haute
– Simulation d’un entretien client en anglais (VR)
– Visite virtuelle d’un chantier ou restaurant pour FOS (VR)
– Reconnaître des objets métier en situation (AR)
Visualisation de concepts abstraits
Rendre concret ce qui est invisible ou difficile à représenter
Moyenne à haute
– Atomes, molécules (AR)
– Réseaux électriques (AR)
– Systèmes industriels ou anatomiques (AR)
Travail collaboratif spatial
Co-construction ou formation à distance immersive
Haute (en MR/VR collaboratif)
– Réunion virtuelle autour d’un prototype 3D (MR)
– Atelier de co-design pédagogique (VR)
– Formation produit en équipe internationale
Sensibilisation, empathie, inclusion
Développer une compréhension sensible d’une situation
Haute (VR immersive)
– Se mettre à la place d’un patient (VR)
– Expérience de handicap invisible (VR)
– Simulation d’entretien avec un migrant (FOS)
Investir dans la XR : un choix stratégique et pragmatique
La décision d’intégrer la XR dans votre plan de formation ne doit pas être prise à la légère. Il s’agit d’un investissement qui doit être mûrement réfléchi et aligné avec vos objectifs pédagogiques et stratégiques.
Définissez vos besoins et objectifs clairs : Avant d’investir dans la technologie, identifiez précisément les compétences que vous souhaitez développer et les cas d’usage qui apporteront la plus grande valeur ajoutée à votre organisation. Ne sautez pas sur la dernière technologie à la mode sans une analyse préalable rigoureuse.
Commencez petit, testez, puis adaptez : Nul besoin de déployer une solution XR à grande échelle dès le départ. Privilégiez des projets pilotes, évaluez leur pertinence et leur efficacité, et ajustez votre approche en fonction des retours. Des modèles comme l’ADDIE (Analyse, Design, Développement, Implémentation, Évaluation), le CEPAJe (Contexte, Enseignant, Pédagogie, Apprenant, Jeu) ou encore CAMIL (Contexte, Activité, Médiation, Intention, Logique) peuvent vous guider dans cette démarche itérative. Un bon dispositif XR s’inscrit toujours dans une stratégie pédagogique pensée en amont.
Formez vos équipes internes : L’intégration de la XR nécessite une acculturation et une formation de vos responsables formation, de vos équipes RH, et de vos concepteurs pédagogiques. Ils seront les garants de la bonne utilisation et de la pérennité de ces outils.
Mesurez le ROI pédagogique : Au-delà de l’aspect financier, le retour sur investissement de la XR se mesure avant tout en termes d’amélioration des compétences, de réduction des coûts liés aux erreurs, de gain de temps de formation, et d’engagement des apprenants. Mettez en place des indicateurs clairs pour évaluer l’impact réel de ces technologies.
En conclusion, la XR n’est pas qu’une simple tendance technologique, c’est un véritable atout. Pour autant, la XR ne se prête pas à toutes les formations. Son usage doit toujours être réfléchi en fonction du contexte, des objectifs pédagogiques et du public. Elle sera moins pertinente dans des formations purement théoriques ou lorsqu’une simple vidéo ou un tutoriel est plus adapté.
Pour le salarié d’une entreprise, apprendre une langue étrangère est rarement un hobby culturel. Il s’agira plutôt d’acquérir des outils linguistiques pour réaliser des tâches telles que donner des consignes de sécurité sur un chantier ou négocier des contrats à l’international. L’intention est ici différente de l’objectif scolaire et universitaire qui est de développer des compétences culturelles et académiques. L’objectif et la situation de l’apprenant vont alors avoir un impact important sur les choix pédagogiques et l’organisation des formations.
Une même langue, des usages différents
Si on consulte les référentiels de l’enseignement secondaire, et particulièrement ceux du lycée, la part de la culture et de la littérature est assez importante. En effet, pour les sections générales, il s’agit essentiellement de développer des compétences d’analyse culturelle, d’argumentation et d’analyse critique de la langue. La construction des programmes et les choix méthodologiques s’appuient sur le CECRL (Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues).
En revanche, la construction de la progression pédagogique en entreprise part de l’analyse du besoin spécifique : pitcher un produit, rédiger une offre technique, appliquer les consignes du chef de chantier pour mettre en place un coffrage… Avant de créer le programme de formation, on réalise une étude du métier et des besoins linguistiques pour réaliser les tâches professionnelles : lexique, genres discursifs, jargon propre au métier ou à l’entreprise.
Une même langue, des objectifs différents
Dans le cadre de l’apprentissage scolaire, l’objectif visé est l’obtention d’un diplôme, l’acquisition d’un niveau permettant de poursuivre ses études dans le supérieur.
Pour l’entreprise, l’objectif est de réaliser une performance ayant un impact économique ou social dans l’entreprise.
Une même langue, des situations différentes
Le cadre académique ou scolaire laisse peu de place à l’individualisation de la formation. Les grands groupes (en France on monte à 25,5 élèves par classe en secondaire (source OCDE)) imposent des progressions linéaires et peu de feedbacks sur les productions orales.
Le contexte de la formation professionnelle continue permet de mettre en place des formations individuelles ou en petits groupes de 8 à 12 apprenants maximum et permettent d’utiliser les pédagogiqes actives à leur plein potentiel : simulations en lien avec le métier, utilisation de la XR ou application directement sur le lieu de travail ( côté productivité, 88 % des employeurs ont constaté une amélioration de la productivité en magasin après une formation linguistique contextualisée (source https://immigrationforum.org/)). Cependant, l’organisation des formations doit être plus flexible pour répondre aux contraintes professionnelles.
Une même langue, une conception pédagogique différente
L’évaluation dela réussite de la formation scolaire se fera à travers les moyennes obtenues ou le pourcentage d’obtention de diplômes. Dans le cadre de l’entreprise, il faudra définir des KPI pour mesurer l’atteinte des objectifs de la formation (accélération de l’intégration des nouveaux salariés, amélioration de la collaboration inter-équipes, etc..).
La réalisation de formations de langues pour les entreprises repose alors sur:
une cartographie des compétences pour répondre aux besoins spécifiques,
la conception de parcours hybrides permettant d’offrir une grande flexibilité d’organisation tout en maximisant l’impact des sessions synchrones,
le choix de sessions individuelles ou en petits groupes afin de favoriser les participation et garantir des feedbacks réguliers
le pilotage de la donnée centrés sur les résultats et pas seulement le nombre d’heures de formation (selon la majorité des référentiels – CEFR, Cambridge English, Alliance Française, FSI et Département d’État américain – atteindre le niveau B2 en français requiert environ 500 à 600 heures de formation guidée).
Au final, si la structure de la langue reste la même, son apprentissage ne saurait l’être : entre l’école et l’entreprise, l’intention, les objectifs, les situations et les méthodes pédagogiques divergent radicalement. Pour être véritablement efficace en contexte professionnel, une formation linguistique doit passer d’un modèle généraliste et culturel à un dispositif centré sur l’action : cartographie fine des besoins, parcours hybrides modulables, petits groupes et indicateurs de performance concrets.
Le développement de l’enseignement des langues et notamment sur objectif spécifique (qui consiste à proposer des cours de langue adaptés aux besoins spécifiques tels que l’anglais pour une équipe d’architectes travaillant sur un projet international ou encore le français pour des infirmiers devant exercer à l’hôpital public) exige un engagement considérable en termes de temps et d’effort de la part du formateur/concepteur. Que ce soit dans le cadre de formations initiales introduisant des cours en langue étrangère dans les écoles et les universités, ou dans le contexte de la formation professionnelle continue, il est impératif que l’acquisition de la langue réponde aux besoins spécifiques des apprenants. Cela favorise leur engagement et leur capacité à appliquer rapidement leurs connaissances en situation professionnelle ou académique. Mais cela reste une activité qui demande beaucoup de temps pour la collecte de documents authentiques, leur analyse et leur transformation en outils pédagogiques.
Cependant, le développement rapide de l’intelligence artificielle, notamment des chatbots et des LLM comme Chat GPT, offre une opportunité de repenser la conception des cours de langue. Des outils tels que Chat GPT, BARD, et magicschool.ai ont inauguré une nouvelle ère permettant d’améliorer les expériences d’apprentissage. De la création de parcours d’apprentissage personnalisés à la mise en place d’évaluations de compétences spécifiques, l’utilisation de l’IA présente de nombreux avantages, mais laisse encore la part belle à la créativité et à l’esprit critique du formateur.
Par exemple, un prompt bien formulé sur Chat GPT nous permet d’obtenir une analyse linguistique d’un texte : champs lexicaux, liste des temps verbaux, actes de langage, ton du texte, etc… Autant d’informations que le formateur en langue pourra réutiliser pour concevoir des activités sur ce texte.
L’outil Magicschool est quant à lui conçu pour faciliter le travail des enseignants, tant dans la conception des cours, que l’évaluation et le suivi des apprenants. Cet outil peut être utilisé quelque soit la discipline enseignée, mais j’évalue ici l’intérêt de cette application dans le domaine de l’enseignement des langues. Pour avoir une illustration détaillée des tests réalisés dans le cadre de la conception d’une séance de FLE de niveau B1-B2 vous pouvez consulter la formation gratuite que j’ai réalisée ici.
La démarche a consisté à tester certaines fonctionnalités (déjà nombreuses) de Magicschool afin d’élaborer des activités de compréhension orale, compréhension écrite, expression orale et expression écrite. J’ai aussi pu élaborer des évaluations et des grilles critériées d’évaluation pour les jeux de rôle. Les outils de Magicschool permettent de créer des quiz, des listes de vocabulaire avec leur définition, des questions de compréhension ou encore des suggestions de devoirs résistant à l’IA. Mais l’outil qui a le plus retenu mon attention en tant que formatrice de FLE est le générateur de questions vidéo youtube. En effet, à partir d’une url de vidéo, l’outil propose des questions (QCM, vrai/faux ou réponses libres) sur le contenu de la vidéo, ce qui permet de gagner un temps considérable sur la conception d’une activité chronophage. L’outil apparait donc particulièrement intéressant et prometteur pour la conception de cours de langue sur mesure même s’il présente des limites.
En effet, certaines questions posées ne sont pas forcément pertinentes dans le cadre de l’acquisition des langues. Certaines réponses proposées aux questions sont erronées. Enfin, dans le cadre de l’enseignement d’une langue sur objectif spécifique, l’outil ne dispense pas d’une réelle analyse du besoin et par conséquent de la collecte de documents et de l’acquisition de connaissances sur le domaine professionnel ou scientifique afin de proposer des activités et des supports pertinents aux apprenants.
Une autre question se pose, c’est celle de la formation des enseignants à l’utilisation de ces outils afin d’en faire une utilisation efficace dans leur travail. Formation aux outils numériques allant de pair avec le développement de l’esprit critique et de la créativité ainsi que de l’expertise dans un domaine professionnel ou scientifique.
En conclusion, L’intelligence artificielle se présente comme un outil qui vient soutenir la conception de cours de langue, ouvrant de nouvelles perspectives aux formateurs et accélérant la préparation des cours. En intégrant ces avancées technologiques à l’interaction humaine, cela permet aux enseignants d’enrichir la diversité des cours. Cette synergie entre l’IA et l’implication humaine peut créer un environnement d’apprentissage dynamique et efficace pour l’acquisition des langues.
l’approche actionnelle est définie par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues. Elle considère l’apprenant d’une langue comme un acteur social devant accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier.
Il est alors pertinent d’utiliser cette approche pour créer des cours de langue sur objectif spécifique (LOS) car elle implique de proposer des activités immergeant l’apprenant dans des situations au plus proche de la réalité qu’il va vivre.
Dans un article précédent, nous avons exploré la définition des objectifs opérationnels et des objectifs pédagogiques dans le cadre de l’enseignement de la langue sur objectif spécifique (LOS).
Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur les activités que le formateur peut mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs, en utilisant des méthodes telles que la pédagogie par projet, l’approche par problème et la simulation globale.
La pédagogie par projet
La pédagogie par projet permet aux apprenants de travailler sur des projets concrets qui reflètent les situations réalistes qu’ils rencontreront dans leur domaine professionnel. Voici comment vous pouvez l’appliquer :
– Identifier un Projet Réaliste : Choisissez un projet qui reflète les besoins et les intérêts de vos apprenants, et qui est en lien direct avec leur domaine professionnel.
– Définir les Rôles et les Responsabilités : Assignez des rôles spécifiques à chaque apprenant, en fonction de leurs compétences et de leurs intérêts.
– Intégrer les Compétences Linguistiques et Culturelles : Assurez-vous que le projet permette de travailler les compétences linguistiques et culturelles nécessaires.
– Évaluer et Réfléchir : Encouragez les apprenants à réfléchir sur le processus et à évaluer leurs progrès.
Exemple:
Public cible : étudiants en école de commerce ou marketing.
L’approche par problème consiste à présenter aux apprenants un problème concret et à les guider dans le processus de résolution. Voici comment vous pouvez l’appliquer :
– Présenter un Problème Réaliste : Choisissez un problème qui est pertinent pour le domaine professionnel de vos apprenants.
– Guider la Résolution de Problèmes : Encouragez les apprenants à travailler ensemble pour trouver des solutions, en utilisant la langue cible.
– Intégrer les Compétences Linguistiques : Assurez-vous que le processus de résolution de problèmes permette de travailler les compétences linguistiques nécessaires.
La simulation globale est une méthode qui permet aux apprenants de s’immerger dans un environnement simulé qui reflète leur domaine professionnel. Voici comment vous pouvez l’appliquer :
– Créer un Environnement Simulé : Développez un scénario qui reflète les situations réalistes que vos apprenants rencontreront.
– Assigner des Rôles et des Tâches : Donnez à chaque apprenant un rôle spécifique et des tâches à accomplir dans la simulation.
– Intégrer les Compétences Linguistiques et Culturelles : Utilisez la simulation pour travailler les compétences linguistiques et culturelles nécessaires.
La mise en œuvre d’objectifs opérationnels dans le cours de langue sur objectif spécifique nécessite une approche actionnelle et réaliste. En utilisant des méthodes telles que la pédagogie par projet, l’approche par problème et la simulation globale, vous pouvez créer des activités engageantes et pertinentes qui préparent vos apprenants aux situations réelles qu’ils rencontreront dans leur domaine professionnel.
Ces méthodes encouragent non seulement l’apprentissage actif et collaboratif, mais elles permettent également d’intégrer les compétences linguistiques et culturelles de manière significative et contextuelle. En tant que formateur, votre rôle est de guider vos apprenants à travers ces activités, en veillant à ce qu’ils atteignent les objectifs opérationnels et pédagogiques définis.
Concevoir une formation en langue, répondant à des objectifs opérationnels en entreprise, commence par l’analyse des besoins.
Dans cet article, nous passons à l’étape suivante : la définition des objectifs pédagogiques.
1- S’appuyer sur l’enquête terrain
L’analyse des besoins vous a amené à collecter les informations sur le quotidien professionnel de vos apprenants. Quelles tâches doivent-ils réaliser et surtout, parmi ces tâches, lesquelles imposent de parler la langue étudiée?
Vous êtes allé(e) plus loin, vous avez pu consulter des documents professionnels. Vous avez trouvé des vidéos en lien avec le sujet et vous avez consulté des sites professionnels. Beau travail d’enquêteur!
2- cheminer de l’activité vers la communication
Qu’avez-vous retenu? Quelles sont les différentes tâches nécessitant de communiquer?
De quel type de communication s’agit-il? Écrite? Orale? Compréhension, expression? Interactions?
Et la grammaire dans tout ça?
Vous avez l’impression d’être submergés?
Ok, bon, alors je vais vous donner un exemple, pour vous montrer que ce n’est vraiment pas insurmontable.
Voici la liste des activités de téléconseillers issues de leur fiche poste :
vérifier l’identité du client en lui posant des questions permettant de vérifier les informations apparaissant à l’écran
écouter et reformuler la demande du client afin d’y répondre le plus exactement possible
si besoin, rediriger le client vers un autre service
renseigner les bases de données en fonction des informations collectées et des actions à réaliser
➡️On note que les 3 premières activités nécessitent des compétences en compréhension et en expression orale dans le cadre d’interactions.
➡️ On remarque que la dernière activité relève de l’expression écrite.
Focus sur la première activité, quelles sont les compétences linguistiques dont le téléconseiller a besoin?
formuler des questions sur l’identité du client pour vérifier, par exemple, son nom, son prénom, son adresse mail.
compétences linguistiques :
grammaire :
les adjectifs interrogatifs quel(s)/quelle(s)
le verbe être au présent
vocabulaire : nom, prénom, adresse (mail ou postale
compétences socio-culturelle:
les expressions élémentaire de salutation
les formules de politesse
3- …Pour en revenir à l’activité professionnelle
Les objectifs pédagogiques sont clairement définis : l’apprenant doit être capable :
d’utiliser les adjectifs interrogatifs quel(s)/quelle(s)
de conjuguer le verbe être au présent
de maîtriser le vocabulaire élémentaire de l’état civil
d’utiliser des formules de salutation et de politesse.
Ces objectifs pédagogiques doivent être en lien avec l’objectif opérationnel : “vérifier l’identité du client en lui posant des questions permettant de vérifier les informations apparaissant à l’écran”
La mise en œuvre de ces objectifs devra donc se faire à travers des activités incluant des situations réalistes, les plus proches des situations que vont vivre les apprenants.
Qu’il s’agisse de cours de français sur objectif, de français de spécialité ou encore de travailler sur le développement de compétences interculturelles, l’analyse de l’activité, des tâches et des comportements, en amont de la conception des parcours de formation, est fondamentale.
En effet, le contenu ne pourra être pertinent et les résultats de l’apprentissage opérationnels que s’ils répondent aux besoins spécifiques des apprenants dans le contexte de leur exercice professionnel.
Pour analyser l’activité, les tâches et les comportements à adopter dans une situation de travail particulière, plusieurs approches s’offrent à l’ingénieur pédagogique.
Tout d’abord, les entretiens avec les futurs apprenants peuvent porter sur la thématique : la mécanique, la chirurgie, la cuisine, la finance, etc… Cette approche permet essentiellement à l’ingénieur pédagogique ou au concepteur de formation de prendre connaissance du domaine professionnel de l’apprenant, dont il est souvent éloigné, qui lui est peut-être inconnu.
Une seconde approche est l’analyse procédurale. Il s’agit ici d’identifier les tâches et étapes nécessaires à la réalisation de celles-ci. Cette analyse permet de prendre connaissance de ce que fait l’apprenant, des différentes étapes, des compétences nécessaires pour réaliser les actions.
Cependant, si ces deux premières approches sont essentielles à la collecte d’informations et de matériel pour la conception de parcours pédagogiques, Elles sont insuffisantes pour comprendre ce qui se joue au niveau des représentations, des attitudes déterminées culturellement et des comportements.
La méthode des incidents critiques apporte alors une technique permettant aux ingénieurs pédagogiques d’appréhender la dimension comportementale, mais elle est aussi transposable au niveau de l’animation de formation. A ce niveau, elle permet aux apprenants de prendre conscience des différences culturelles pouvant être à l’origine de conflits (exprimés ou non), des attitudes adoptées face à un problème, en situation de travail, dans le but de proposer des solutions de manière individuelle ou collective.
Cette méthode a tout d’abord été décrite par John C. Flanagan en 1954 dans le Psychological Bulletin. Elle a, en premier lieu, été utilisée pour comprendre les facteurs de risques associés à une situation de travail, ou encore les exigences d’une fonction, afin de proposer des mesures correctives. Par la suite, elle a évolué vers une démarche permettant d’améliorer la compréhension de constructions psychosociales issues de l’expérience de différents acteurs. Ainsi, elle a pu être employée lors de formations interculturelles, de formations de gestion, de formations à la gestion du stress, et elle a également été utilisée dans les domaines du marketing, de la relation client ou du recrutement.
Pour ce qui est des formations, cette méthode est particulièrement adaptée au travail de groupe car elle permet de confronter les croyances et représentations de chaque individu dans le cadre d’une démarche réflexive. Au-delà, la méthode peut conduire à la co-construction de nouveaux référentiels et de nouvelles compétences.
Comment créer une séquence pédagogique à partir de cette méthode?
La séquence présentée ci-dessous vise à illustrer les étapes clés de la méthode des incidents critiques.
Cette séquence vise à développer des compétences interculturelles chez des médecins étrangers intervenant en secteur hospitalier. Afin de mettre en place cette séquence, nous avons choisi de partir d’un document déclencheur, une vidéo pédagogique diffusée sur la chaîne Youtube de la Haute Autorité de Santé : annonce d’un dommage associé aux soins, disponible à l’adresse suivante : https://youtu.be/UOs9XyCFkcA .
La situation choisie est par conséquent volontairement problématique et vise à travailler sur la dimension éthique de la communication, les valeurs telles que la transparence et la coopération ainsi que l’empathie.
La méthode des incidents critiques apparaît tout d’abord utile pour comprendre les comportements professionnels, les attitudes et les agir, dans une situation donnée. Dans le cadre de formations professionnelles, elle apporte une démarche dont l’objectif est de modifier les pratiques, en proposant un développement de la réflexion des apprenants sur leurs représentations, leurs ressentis, leurs pratiques et leurs façons de penser. Dans le cadre de la didactique des langues, cette méthode permet d’amener l’apprenant à prendre du recul sur ses représentations, ses valeurs, ses façons d’agir afin de mettre en place des stratégies d’adaptation aux nouvelles situations culturelles auxquelles il est confronté.
article publié le 5 décembre 2020 et modifié le 18 octobre 2022
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