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Pour le salarié d’une entreprise, apprendre une langue étrangère est rarement un hobby culturel. Il s’agira plutôt d’acquérir des outils linguistiques pour réaliser des tâches telles que donner des consignes de sécurité sur un chantier ou négocier des contrats à l’international. L’intention est ici différente de l’objectif scolaire et universitaire qui est de développer des compétences culturelles et académiques. L’objectif et la situation de l’apprenant vont alors avoir un impact important sur les choix pédagogiques et l’organisation des formations.

Une même langue, des usages différents

Si on consulte les référentiels de l’enseignement secondaire, et particulièrement ceux du lycée, la part de la culture et de la littérature est assez importante. En effet, pour les sections générales, il s’agit essentiellement de développer des compétences d’analyse culturelle, d’argumentation et d’analyse critique de la langue. La construction des programmes et les choix méthodologiques s’appuient sur le CECRL (Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues).

En revanche, la construction de la progression pédagogique en entreprise part de l’analyse du besoin spécifique : pitcher un produit, rédiger une offre technique, appliquer les consignes du chef de chantier pour mettre en place un coffrage… Avant de créer le programme de formation, on réalise une étude du métier et des besoins linguistiques pour réaliser les tâches professionnelles : lexique, genres discursifs, jargon propre au métier ou à l’entreprise.

Une même langue, des objectifs différents

Dans le cadre de l’apprentissage scolaire, l’objectif visé est l’obtention d’un diplôme, l’acquisition d’un niveau permettant de poursuivre ses études dans le supérieur. 

Pour l’entreprise, l’objectif est de réaliser une performance ayant un impact économique ou social dans l’entreprise.

Une même langue, des situations différentes

Le cadre académique ou scolaire laisse peu de place à l’individualisation de la formation. Les grands groupes (en France on monte à 25,5 élèves par classe en secondaire (source OCDE)) imposent des progressions linéaires et peu de feedbacks sur les productions orales.

Le contexte de la formation professionnelle continue permet de mettre en place des formations individuelles ou en petits groupes de 8 à 12 apprenants maximum et permettent d’utiliser les pédagogiqes actives à leur plein potentiel : simulations en lien avec le métier, utilisation de la XR ou application directement sur le lieu de travail ( côté productivité, 88 % des employeurs ont constaté une amélioration de la productivité en magasin après une formation linguistique contextualisée (source https://immigrationforum.org/)). Cependant, l’organisation des formations doit être plus flexible pour répondre aux contraintes professionnelles.

Une même langue, une conception pédagogique différente

L’évaluation dela réussite de la formation scolaire se fera à travers les moyennes obtenues ou le pourcentage d’obtention de diplômes. Dans le cadre de l’entreprise, il faudra définir des KPI pour mesurer l’atteinte des objectifs de la formation (accélération de l’intégration des nouveaux salariés, amélioration de la collaboration inter-équipes, etc..).

  • La réalisation de formations de langues pour les entreprises repose alors sur:
  • une cartographie des compétences pour répondre aux besoins spécifiques, 
  • la conception de parcours hybrides permettant d’offrir une grande flexibilité d’organisation tout en maximisant l’impact des sessions synchrones,
  • le choix de sessions individuelles ou en petits groupes afin de favoriser les participation et garantir des feedbacks réguliers
  • le pilotage de la donnée centrés sur les résultats et pas seulement le nombre d’heures de formation (selon la majorité des référentiels – CEFR, Cambridge English, Alliance Française, FSI et Département d’État américain – atteindre le niveau B2 en français requiert environ 500 à 600 heures de formation guidée).

Au final, si la structure de la langue reste la même, son apprentissage ne saurait l’être : entre l’école et l’entreprise, l’intention, les objectifs, les situations et les méthodes pédagogiques divergent radicalement. Pour être véritablement efficace en contexte professionnel, une formation linguistique doit passer d’un modèle généraliste et culturel à un dispositif centré sur l’action : cartographie fine des besoins, parcours hybrides modulables, petits groupes et indicateurs de performance concrets.

Pédagogie et gestion des talents : comment les compétences de formateur en langue peuvent être transférées aux ressources humaines et vice-versa

Pédagogie et gestion des talents : comment les compétences de formateur en langue peuvent être transférées aux ressources humaines et vice-versa

Lors d’un précédent article, j’avais abordé les compétences clés du formateur en langue. Aujourd’hui, je me penche sur ces compétences à travers le prisme des virages, transitions et tournants que j’ai empruntés dans mon parcours professionnel, notamment entre la formation en FLE et le domaine des ressources humaines, ainsi que ceux que j’ai observés chez les étudiants que j’accompagne dans leur démarche de reconversion entre deux univers.

Les compétences acquises dans l’enseignement d’une langue étrangère peuvent sembler spécifiques, centrées sur la didactique et la linguistique. Toutefois, en y regardant de plus près, on découvre une multitude d’habiletés et de connaissances parfaitement transposables au domaine des ressources humaines (RH). Et l’inverse est tout aussi vrai. J’explore, dans cet article, les passerelles entre ces deux domaines a priori éloignés.

Gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) et analyse des activités et compétences

L’enseignement d’une langue dans un cadre professionnel implique une approche sur objectif spécifique qui cible des compétences linguistiques particulières en fonction des besoins professionnels ou sectoriels précis de l’apprenant. Cette spécialisation requiert du formateur une fine analyse des métiers et des compétences associées. Par exemple, enseigner le français à un ingénieur n’est pas la même chose qu’à un médecin ou à un avocat. Chaque profession possède son discours, son jargon et sa culture. Le travail du formateur en langue consiste dans un premier temps à analyser l’activité, les compétences à l’œuvre dans un contexte donné en prenant en compte la culture d’entreprise pour fournir un parcours de formation adapté.

Dans le monde des RH, une compréhension précise des métiers et des compétences est tout aussi cruciale. Cela permet non seulement d’identifier les besoins en formation, mais aussi d’aligner les ressources humaines avec la stratégie globale de l’entreprise. Le formateur en langue, avec son expérience en analyse des besoins spécifiques de chaque métier, peut donc transposer son expertise aux RH. Il peut aider à décrypter les compétences clés, à concevoir des formations adaptées et à anticiper les besoins futurs en compétences de l’entreprise.

Ingénierie pédagogique

  • Conception de cours : Forts de leur expérience en élaboration de programmes de formation, les professionnels RH peuvent aisément concevoir des cursus en langue structurés et efficaces, centrés sur les besoins réels des apprenants. De même, les formateurs en langue peuvent utiliser leurs compétences ingénierie pédagogique pour élaborer des parcours de formation professionnelle répondant aux besoins d’une entreprise.
  • Animation de formation et gestion des groupes : Les habiletés de communication développées par le RH lui permettent d’animer une session de le cours de langue de manière engageante, en favorisant l’interaction et l’expression de chacun.
  • Évaluation et suivi : La gestion des performances et le suivi de l’évolution des compétences propres au RH trouvent un écho dans les systèmes d’évaluation mis en place par les formateurs en langue qui ont l’habitude d’utiliser des descripteurs précis permettant de mesure l’atteinte des objectifs d’une formation.

Communication

Les deux métiers nécessitent de communiquer clairement et efficacement afin de réduire au maximum l’incompréhension et le malentendu. C’est par exemple, pour le formateur en langue, expliquer des gestes non verbaux comme le hochement de la tête qui n’a pas la même signification en Grèce et en France ou les particularités de la communication d’un médecin avec son patient à des internes étrangers en France. C’est transmettre des informations complexes et spécifiques comme l’explication de la lecture d’une fiche de paie en RH.

Conduite du changement

La conduite du changement est un art délicat, que ce soit en salle de classe ou au sein d’une organisation. Les formateurs en langue sont rompus à l’art de guider les apprenants à travers des transformations profondes de leurs habitudes linguistiques et de leurs perspectives culturelles. C’est notamment le cas des formations en langue d’intégration qui visent non seulement l’acquisition de connaissances linguistiques et culturelles mais également l’adhésion aux valeurs du pays d’accueil. Les formateurs établissent alors des objectifs clairs, anticipent les résistances, soutiennent les étapes de progression et célèbrent les réussites. D’une manière similaire, les professionnels des RH orchestrant une conduite du changement doivent tracer une vision, gérer les réticences, assurer un suivi continu et reconnaître les efforts. Dans les deux cas, la capacité à écouter activement, à communiquer efficacement et à instaurer un climat de confiance est primordiale.

Conclusion

Loin d’être cloisonnés dans leurs domaines respectifs, le formateur en langue et le professionnel RH possèdent un ensemble de compétences qui, une fois croisées, offrent une multitude de possibilités. Qu’il s’agisse d’analyser des compétences, de concevoir des programmes de formation, de communiquer efficacement ou de gérer le changement, les compétences acquises dans l’un de ces domaines peuvent être précieusement appliquées à l’autre. Lors des transitions professionnelles, il est essentiel d’évaluer les compétences transférables, car elles constituent des atouts majeurs pour la réussite d’un projet de reconversion.

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La mise en œuvre d’objectifs opérationnels dans le cours de langue sur objectif spécifique : une approche actionnelle

personnes passant à l'action
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l’approche actionnelle est définie par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues. Elle considère l’apprenant d’une langue comme un acteur social devant accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier.

Il est alors pertinent d’utiliser cette approche pour créer des cours de langue sur objectif spécifique (LOS) car elle implique de proposer des activités immergeant l’apprenant dans des situations au plus proche de la réalité qu’il va vivre.

Dans un article précédent, nous avons exploré la définition des objectifs opérationnels et des objectifs pédagogiques dans le cadre de l’enseignement de la langue sur objectif spécifique (LOS). 

Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur les activités que le formateur peut mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs, en utilisant des méthodes telles que la pédagogie par projet, l’approche par problème et la simulation globale.

La pédagogie par projet

La pédagogie par projet permet aux apprenants de travailler sur des projets concrets qui reflètent les situations réalistes qu’ils rencontreront dans leur domaine professionnel. Voici comment vous pouvez l’appliquer :

Identifier un Projet Réaliste : Choisissez un projet qui reflète les besoins et les intérêts de vos apprenants, et qui est en lien direct avec leur domaine professionnel.

Définir les Rôles et les Responsabilités : Assignez des rôles spécifiques à chaque apprenant, en fonction de leurs compétences et de leurs intérêts.

Intégrer les Compétences Linguistiques et Culturelles : Assurez-vous que le projet permette de travailler les compétences linguistiques et culturelles nécessaires.

Évaluer et Réfléchir : Encouragez les apprenants à réfléchir sur le processus et à évaluer leurs progrès.

Exemple:

Public cible : étudiants en école de commerce ou marketing.

Niveau B2/C1


développement plan marketing par Sophie B Comazzi

L’approche par problème

L’approche par problème consiste à présenter aux apprenants un problème concret et à les guider dans le processus de résolution. Voici comment vous pouvez l’appliquer :

Présenter un Problème Réaliste : Choisissez un problème qui est pertinent pour le domaine professionnel de vos apprenants.

– Guider la Résolution de Problèmes : Encouragez les apprenants à travailler ensemble pour trouver des solutions, en utilisant la langue cible.

Intégrer les Compétences Linguistiques : Assurez-vous que le processus de résolution de problèmes permette de travailler les compétences linguistiques nécessaires.

Exemple:

Public cible : infirmiers ou infirmières

Niveau : B2/C1


épidémie de grippe par Sophie B Comazzi

La simulation globale

La simulation globale est une méthode qui permet aux apprenants de s’immerger dans un environnement simulé qui reflète leur domaine professionnel. Voici comment vous pouvez l’appliquer :

Créer un Environnement Simulé : Développez un scénario qui reflète les situations réalistes que vos apprenants rencontreront.

Assigner des Rôles et des Tâches : Donnez à chaque apprenant un rôle spécifique et des tâches à accomplir dans la simulation.

Intégrer les Compétences Linguistiques et Culturelles : Utilisez la simulation pour travailler les compétences linguistiques et culturelles nécessaires.

Exemple:

Public cible : étudiants de BTS MHR

Niveau: B2/C1


Simulation palace par Sophie B Comazzi

Conclusion

La mise en œuvre d’objectifs opérationnels dans le cours de langue sur objectif spécifique nécessite une approche actionnelle et réaliste. En utilisant des méthodes telles que la pédagogie par projet, l’approche par problème et la simulation globale, vous pouvez créer des activités engageantes et pertinentes qui préparent vos apprenants aux situations réelles qu’ils rencontreront dans leur domaine professionnel.

Ces méthodes encouragent non seulement l’apprentissage actif et collaboratif, mais elles permettent également d’intégrer les compétences linguistiques et culturelles de manière significative et contextuelle. En tant que formateur, votre rôle est de guider vos apprenants à travers ces activités, en veillant à ce qu’ils atteignent les objectifs opérationnels et pédagogiques définis.

Ressources :

L’approche actionnelle définie par le Conseil de l’Europe

Quand le monde du travail peut venir en renfort de la didactique des langues… (2017 : Jean-Jacques Richer)

Simulations globales

Motivés! (2) : L’engagement

Pour commencer, je parlerai d’un de mes étudiants qui n’était pas du tout, mais alors pas du tout engagé, et cela depuis le début de la formation, jusqu’à ce que, rapidement, je ne le vois plus. Il avait enfin obtenu une formation de français langue étrangère, plusieurs années après l’avoir demandée à son employeur, et elle ne faisait plus vraiment partie de ses priorités. Sans cette formation, il avait réussi à s’intégrer socialement, il avait progressé dans son emploi. Et apprendre une langue pour le plaisir n’était pas du tout son truc.

Autant dire qu’au bout de 3 cours, il avait disparu dans la nature, non sans avoir mis fin rapidement au deuxième cours pour manque de batterie (il s’agissait d’un cours en ligne), partagé le troisième cours avec le chat de sa belle-mère et sa fille en CM1 (en vacances scolaires), à qui il faisait faire les exercices et qu’il essayait de mettre à sa place (sa fille, pas le chat !). Oui, j’avais eu beau consacrer le temps nécessaire à bâtir un programme sur mesure, créer une atmosphère bienveillante, ce cours était voué à l’échec. Il l’avait d’ailleurs verbalisé d’entrée de jeu, ce cours arrivait trop tard, il n’en avait plus besoin.

man facing to a challenge

Heureusement, je me retrouve rarement dans ce genre de situations et dans cet article, je vous propose d’analyser les différents facteurs qui vont favoriser l’engagement et quels outils peuvent être utilisés pour le favoriser.

Reprenons le cas de mon étudiant. Il se retrouvait en formation alors qu’il ne l’avait pas décidé. Elle était imposée par une hiérarchie qui semblait répondre à un besoin, malheureusement exprimé plusieurs années auparavant, et qui ne s’inscrivait plus dans les projets de l’apprenant. Autant dire que la formation n’était plus perçue comme utile par l’apprenant. Et c’est là un premier point important de l’engagement, la formation doit être perçue comme utile et s’inscrire dans un projet ou être perçue comme positive pour les projets futurs : installation en France, promotion professionnelle, suivi des enfants scolarisés…

Du point de vue de la pratique, je consacre toujours le premier cours à approfondir les buts poursuivis par l’étudiant dans l’apprentissage de la langue à travers une série de questions permettant de comprendre dans quelles situations il serait amené à utiliser la langue tant au niveau personnel que professionnel. Quels sont ses besoins spécifiques tant au niveau linguistique qu’au niveau des situations de communication qu’il pourrait rencontrer. Les motifs varient du simple besoin de pouvoir se débrouiller dans le pays, à l’intérêt pour la connaissance approfondie des mécanismes linguistiques et des particularités socio-culturelles, en passant par le besoin de reconnaissance professionnelle.

Au-delà des motifs d’entrée en formation, il est aussi important de construire un périmètre dans lequel aura lieu l’activité d’apprentissage afin de créer des conditions pédagogiques et organisationnelles favorables à l’engagement :de combien de temps l’apprenant dispose-t-il par semaine pour étudier le français? Quelles seraient ses disponibilités, le matin, le soir? Sera-t-il amené à voyager? Y aura-t-il des moments de forte activité ne permettant pas de participer au cours? En effet, la formation fera partie d’un ensemble d’activités quotidiennes que l’apprenant devra prioriser. Il devra éventuellement renoncer à d’autres activités pour mener à bien son parcours. Il est important qu’il en ait conscience dès le début.

Sur le plan pédagogique, je propose alors un programme qui doit être validé par l’apprenant. Est-il d’accord sur les modalités pédagogiques? Les contenus? En effet, il s’agit d’instaurer une relation de confiance où l’étudiant peut poser des questions, exprimer de nouveaux besoins et recevoir des feed-backs sur ses productions. Il s’agit de créer des conditions pédagogiques et organisationnelles permettant de renforcer l’utilité de la formation chez l’apprenant.

S’impliquer dans une formation, c’est également confronter l’image qu’on a de soi aux autres et à soi-même. On aborde ici les représentations du sujet quant au sentiment d’efficacité personnelle très souvent liée à sa biographie langagière. Ainsi, certains apprenants peuvent être polyglottes et n’hésiteront pas à prendre la parole car ils sont persuadés qu’ils pourront maîtriser une langue. D’autres, au contraire, auront eu une expérience plombée par les échecs de l’apprentissage d’une langue étrangère et auront besoin d’être rassurés quant à leurs capacités. Enfin des facteurs culturels peuvent influer sur la prise de parole car se tromper serait perdre la face. Il est donc important de créer une atmosphère bienveillante où les feedbacks viennent valoriser les efforts et amènent les étudiants à s’auto-corriger. Il est très important de donner une image positive à l’apprenant de lui-même afin de ne pas le décourager.

Pour résumer, l’implication de l’étudiant dans sa formation relève de différents facteurs:

  • organisationnels : il est important que l’étudiant prenne conscience qu’apprendre une langue nécessite du temps et qu’il devra organiser son emploi du temps en fonction, éventuellement renoncer à d’autres activités
  • personnels : il faudra amener l’étudiant à s’interroger sur les buts poursuivis par l’apprentissage d’une langue, à préciser ses objectifs. Il est également intéressant de connaître sa biographie langagière. Quelles langues ont été apprises précédemment, comment a-t-il vécu ces expériences?
  • pédagogiques : l’analyse des buts de l’étudiant permettra de bâtir un programme adapté ou d’adapter un programme existant aux besoins spécifiques de l’apprenant, tout en n’étant pas figé et permettant à l’apprenant de poser des questions au fil de ses expériences.
  • interpersonnels : la relation pédagogique qui s’établit entre l’apprenant et le formateur doit être une relation de confiance. Ainsi, l’apprenant délègue au formateur de soin de le guider dans son apprentissage. Mais au-delà, la dynamique identitaire du sujet est en jeu et le formateur est également celui qui veillera à créer une atmosphère positive permettant à l’apprenant d’identifier les obstacles tout en lui offrant l’opportunité de développer ses ressources.

publié le 25 janvier 2021 modifié le 28 octobre 2022

Motivés ! (1) : l’entrée en formation

Apprendre une langue, quoi qu’en disent les slogans prometteurs de nombreuses applications, repose essentiellement sur un travail régulier et la persévérance de l’apprenant. Mémoriser de nouvelles structures syntaxiques, garder un nouveau lexique en mémoire, discriminer de nouveaux sons, reproduire une intonation, mais également découvrir de nouvelles valeurs socio-culturelles, tout cela demande beaucoup d’efforts et de motivation. Si la plupart des apprenants sont très enthousiastes les premiers temps de la formation, tous les formateurs en langue ont connu des décrocheurs, ou l’ont peut-être été eux-mêmes.

Quels sont alors les leviers du formateur pour maintenir et développer la motivation des apprenants? Pour répondre à cette question, il nous faudra d’abord interroger la notion même de motivation.

Silhouette of helping hand between two boys climber

Qu’entend-on par motivation de l’apprenant?

Actuellement, les discours sur la formation, et particulièrement sur la formation en ligne, regorgent de références à l’engagement de l’apprenant. Il s’agit de le mesurer grâce aux taux d’engagement, de complétion, de connexions … et de mieux appréhender les comportements de l’apprenant afin de pallier les décrochages. Dans le cadre d’un cours en présentiel, il est également possible d’observer des données comme la présence et la participation aux activités. Cependant, si l’évaluation de l’engagement de l’apprenant peut nous amener à proposer des solutions favorisant la motivation, il est également indispensable de s’interroger sur les perceptions et les croyances de l’apprenant qui vont également conditionner sa motivation : sentiment d’efficacité personnelle, estime de soi, parcours éducatifs antérieurs, objectifs poursuivis, etc… Enfin la situation d’apprentissage (dispositif pédagogique, accompagnement pédagogique, méthodes pédagogiques) doit aussi faire l’objet d’un questionnement en lien avec les facteurs de motivation des apprenants.

Comprendre les motifs d’entrée en formation

Dans son ouvrage De la motivation à la formation Philippe Carré établit une taxonomie des motifs d’engagement en formation des adultes et les répartit en cinq catégories:

  • le motif intrinsèque tourné vers l’apprentissage : la motivation première est ici liée au savoir lui même. L’apprenant en FLE souhaite apprendre ou progresser dans l’apprentissage de la langue et de la culture. Cet apprentissage représente une source de plaisir, il est poussé par la curiosité, la passion pour l’apprentissage des langues et cultures.
  • les motifs intrinsèques tournés vers la participation: L’apprenant vient ici chercher l’occasion d’échanger, de développer de nouvelles relations, de communiquer. Mais c’est aussi pour le plaisir de pratiquer l’activité de formation. Ici l’apprentissage d’un objet particulier, pour nous le FLE, n’est pas le motif premier. Par exemple, l »apprenant apprécie particulièrement le fait d’échanger avec le formateur comme il pourrait discuter avec un ami.
  • les motifs extrinsèques tournés vers l’apprentissage : ceux sont les motifs opératoires professionnels et personnels, le plus souvent verbalisés par les apprenants : ils ont besoins d’acquérir des compétences linguistiques pour leur activité professionnelle (écrire des mails, participer à des réunions avec des clients français, par exemple) mais également dans le cadre des rapports extraprofessionnels (cela peut être participer aux discussions informelles avec leurs collègues, acheter un bien immobilier ou suivre la scolarité des enfants).
  • les motifs extrinsèques tournés vers la participation : il s’agit de motifs économiques, prescrits ou dérivatifs. Ainsi, certains apprenants apprennent le français afin de pouvoir obtenir des promotions au sein de l’entreprise. Le développement des compétences linguistiques conditionnant alors leur développement professionnel et économique. Dans le cadre professionnel, la formation peut, en outre, être prescrite par la loi. Ainsi, les salariés non européens ayant un niveau inférieur au niveau A1 du CECR se voient-ils prescrire une formation en français dans le cadre du contrat d’intégration républicaine. Enfin, les motifs dérivatifs amènent à utiliser la formation pour fuir une situation perçue comme négative au niveau professionnel ou socio-affectif.
  • les motifs extrinsèques hybrides: l’acquisition des compétences linguistiques peut également viser la reconnaissance sociale, elle touche à l’identité de l’individu. Ainsi, certains des apprenants que je suis au niveau C1 souhaitent améliorer leur prononciation afin que les clients n’entendent plus qu’ils sont étrangers. Car ils pensent que cela leur permet d’être plus crédibles aux yeux de ces derniers. Ce motif est très proche du motif vocationnel où l’apprentissage du français est envisagé comme un élément participant à la gestion de carrière. il s’agit d’une approche instrumentale ou l’acquisition et le développement de compétences constituent un capital dans lequel on puisera en fonction des opportunités.

Ces motifs ne sont pas figés et uniques. Ils peuvent se cumuler et varier dans le temps, c’est pourquoi il est nécessaire de questionner l’apprenant dès le début de la formation sur ses motivations, puis lui donner la possibilité, tout au long de la formation, de pouvoir préciser ou modifier ses motifs. En effets, certains motifs peuvent être non avoués, masqués dans un premier temps, puis au fil des séances, l’étudiant peut donner la vraie raison de sa présence en formation. En progressant, l’étudiant peut également trouver du plaisir à étudier une langue et les motifs qui l’amènent en formation peuvent évoluer de motifs extrinsèques vers des motifs intrinsèques.

La connaissance des motifs représente aussi un élément initial permettant de construire un parcours personnalisé et participe de l’analyse des besoins de l’apprenant. En effet, élaborer la progression pédagogique d’un cours pour un étudiant fortement motivé par l’apprentissage des langues et cultures sera différent de la mise en place d’un accompagnement pour des apprenants dont la présence en cours de langue est le fruit d’une prescription.

Pour aller plus loin: sous la direction de Philippe Carré, 2001, De la motivation à la formation,, collection savoir et formation, éditions L’Harmattan

sous la direction de Philippe Carré et Fabien fenouillet, 2009, Traité de psychologie de la motivation, Théorie et pratiques, , Editions Dunod

article publié le 20 février 2020 modifié le 28 octobre 2022