l’approche actionnelle est définie par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues. Elle considère l’apprenant d’une langue comme un acteur social devant accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier.
Il est alors pertinent d’utiliser cette approche pour créer des cours de langue sur objectif spécifique (LOS) car elle implique de proposer des activités immergeant l’apprenant dans des situations au plus proche de la réalité qu’il va vivre.
Dans un article précédent, nous avons exploré la définition des objectifs opérationnels et des objectifs pédagogiques dans le cadre de l’enseignement de la langue sur objectif spécifique (LOS).
Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur les activités que le formateur peut mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs, en utilisant des méthodes telles que la pédagogie par projet, l’approche par problème et la simulation globale.
La pédagogie par projet
La pédagogie par projet permet aux apprenants de travailler sur des projets concrets qui reflètent les situations réalistes qu’ils rencontreront dans leur domaine professionnel. Voici comment vous pouvez l’appliquer :
– Identifier un Projet Réaliste : Choisissez un projet qui reflète les besoins et les intérêts de vos apprenants, et qui est en lien direct avec leur domaine professionnel.
– Définir les Rôles et les Responsabilités : Assignez des rôles spécifiques à chaque apprenant, en fonction de leurs compétences et de leurs intérêts.
– Intégrer les Compétences Linguistiques et Culturelles : Assurez-vous que le projet permette de travailler les compétences linguistiques et culturelles nécessaires.
– Évaluer et Réfléchir : Encouragez les apprenants à réfléchir sur le processus et à évaluer leurs progrès.
Exemple:
Public cible : étudiants en école de commerce ou marketing.
L’approche par problème consiste à présenter aux apprenants un problème concret et à les guider dans le processus de résolution. Voici comment vous pouvez l’appliquer :
– Présenter un Problème Réaliste : Choisissez un problème qui est pertinent pour le domaine professionnel de vos apprenants.
– Guider la Résolution de Problèmes : Encouragez les apprenants à travailler ensemble pour trouver des solutions, en utilisant la langue cible.
– Intégrer les Compétences Linguistiques : Assurez-vous que le processus de résolution de problèmes permette de travailler les compétences linguistiques nécessaires.
La simulation globale est une méthode qui permet aux apprenants de s’immerger dans un environnement simulé qui reflète leur domaine professionnel. Voici comment vous pouvez l’appliquer :
– Créer un Environnement Simulé : Développez un scénario qui reflète les situations réalistes que vos apprenants rencontreront.
– Assigner des Rôles et des Tâches : Donnez à chaque apprenant un rôle spécifique et des tâches à accomplir dans la simulation.
– Intégrer les Compétences Linguistiques et Culturelles : Utilisez la simulation pour travailler les compétences linguistiques et culturelles nécessaires.
La mise en œuvre d’objectifs opérationnels dans le cours de langue sur objectif spécifique nécessite une approche actionnelle et réaliste. En utilisant des méthodes telles que la pédagogie par projet, l’approche par problème et la simulation globale, vous pouvez créer des activités engageantes et pertinentes qui préparent vos apprenants aux situations réelles qu’ils rencontreront dans leur domaine professionnel.
Ces méthodes encouragent non seulement l’apprentissage actif et collaboratif, mais elles permettent également d’intégrer les compétences linguistiques et culturelles de manière significative et contextuelle. En tant que formateur, votre rôle est de guider vos apprenants à travers ces activités, en veillant à ce qu’ils atteignent les objectifs opérationnels et pédagogiques définis.
Concevoir une formation en langue, répondant à des objectifs opérationnels en entreprise, commence par l’analyse des besoins.
Dans cet article, nous passons à l’étape suivante : la définition des objectifs pédagogiques.
1- S’appuyer sur l’enquête terrain
L’analyse des besoins vous a amené à collecter les informations sur le quotidien professionnel de vos apprenants. Quelles tâches doivent-ils réaliser et surtout, parmi ces tâches, lesquelles imposent de parler la langue étudiée?
Vous êtes allé(e) plus loin, vous avez pu consulter des documents professionnels. Vous avez trouvé des vidéos en lien avec le sujet et vous avez consulté des sites professionnels. Beau travail d’enquêteur!
2- cheminer de l’activité vers la communication
Qu’avez-vous retenu? Quelles sont les différentes tâches nécessitant de communiquer?
De quel type de communication s’agit-il? Écrite? Orale? Compréhension, expression? Interactions?
Et la grammaire dans tout ça?
Vous avez l’impression d’être submergés?
Ok, bon, alors je vais vous donner un exemple, pour vous montrer que ce n’est vraiment pas insurmontable.
Voici la liste des activités de téléconseillers issues de leur fiche poste :
vérifier l’identité du client en lui posant des questions permettant de vérifier les informations apparaissant à l’écran
écouter et reformuler la demande du client afin d’y répondre le plus exactement possible
si besoin, rediriger le client vers un autre service
renseigner les bases de données en fonction des informations collectées et des actions à réaliser
➡️On note que les 3 premières activités nécessitent des compétences en compréhension et en expression orale dans le cadre d’interactions.
➡️ On remarque que la dernière activité relève de l’expression écrite.
Focus sur la première activité, quelles sont les compétences linguistiques dont le téléconseiller a besoin?
formuler des questions sur l’identité du client pour vérifier, par exemple, son nom, son prénom, son adresse mail.
compétences linguistiques :
grammaire :
les adjectifs interrogatifs quel(s)/quelle(s)
le verbe être au présent
vocabulaire : nom, prénom, adresse (mail ou postale
compétences socio-culturelle:
les expressions élémentaire de salutation
les formules de politesse
3- …Pour en revenir à l’activité professionnelle
Les objectifs pédagogiques sont clairement définis : l’apprenant doit être capable :
d’utiliser les adjectifs interrogatifs quel(s)/quelle(s)
de conjuguer le verbe être au présent
de maîtriser le vocabulaire élémentaire de l’état civil
d’utiliser des formules de salutation et de politesse.
Ces objectifs pédagogiques doivent être en lien avec l’objectif opérationnel : “vérifier l’identité du client en lui posant des questions permettant de vérifier les informations apparaissant à l’écran”
La mise en œuvre de ces objectifs devra donc se faire à travers des activités incluant des situations réalistes, les plus proches des situations que vont vivre les apprenants.
décalage entre le besoin analysé pour le cours et le besoin réel au travail
Les actions de formation professionnelle sont essentielles pour aider une organisation ou un individu à atteindre ses objectifs, en comblant les écarts de compétences.
Ce qui se passe le plus souvent
En langue, qu’il s’agisse de formations individuelles ou collectives, il y a toujours évaluation du niveau en amont de la formation. Ce test de positionnement, qui peut être automatisé ou non, peut faire intervenir un enseignant ou prendre la forme d’une auto-évaluation.
Le résultat du test de positionnement permettra de situer le niveau de maîtrise de la langue sur l’échelle proposée par le CECRL de débutant complet A0 à C2, utilisateur expérimenté.
La suite : une proposition de formation avec un programme correspondant aux compétences listées dans le CECRL en fonction du niveau de l’apprenant. Le nombre d’heures de formation, lui, dépend, du budget que peut allouer le service formation ou de la prise en charge de l’OPCO.
Le résultat : une formation de langue générale, plus ludique que les cours d’anglais de 4ème (mais pas sûr) et l’opportunité de pratiquer à l’oral en petits groupes ou en individuel.
Cependant, quels liens pourra faire l’apprenant entre sa formation et son quotidien au travail (à part saluer au pied de l’ascenseur)? Combien de temps lui faudra-t-il pour utiliser la langue de manière opérationnelle? Osera-t-il le faire en dehors de la classe?
L’écart entre le cours de langue standardisé et les besoins spécifiques de l’apprenant nous amène à poser la question de la construction de la réponse apportée à ce besoin.
Un des leviers à actionner se trouve au niveau de l’analyse du besoin. En quoi est-elle si importante? Quels sont les impacts sur la construction du déroulé de la formation?
Un ou des besoins spécifiques?
Besoin de communiquer
Le premier besoin exprimé est celui de la commande, l’apprenant ou le groupe d’apprenants devront être capables de s’exprimer dans la langue cible. Cependant, selon le contexte, des besoins de communication particuliers vont émerger.
Le lexique
C’est la première chose à laquelle on pense lorsqu’il s’agit de s’exprimer en langue étrangère dans un contexte particulier. Qu’il s’agisse de musique, de médecine ou de droit, chaque univers professionnel possède une terminologie qui lui est propre. Cependant, apprendre des listes de vocabulaire n’est pas suffisant.
La culture
Là encore, cela semble évident: les rituels de négociation varient selon les pays. Les horaires de bureau sont différents en France et en Norvège. Le management américain ne peut pas être transposé dans tous les pays du monde.
Chaque culture possède des caractéristiques spécifiques. C’est également vrai pour le milieu professionnel. La culture de la restauration est très différente de celle du milieu hospitalier. Les rapports hiérarchiques, la façon de communiquer vont varier d’un environnement à un autre.
Les canaux de communication et l’environnement
Rédiger des mails de relance, animer une réunion, échanger avec les collègues d’une manière informelle à la cafétéria … Nous changeons de posture, de niveau de langue, tout au long d’une journée de travail. Nous construisons notre discours de manière différente en fonction du canal de communication et de l’environnement.
Ces besoins sont des besoins linguistiques et socioculturels. Ils impliquent pour le concepteur du cours de collecter des données sur le métier, les discours, les pratiques et les activités de l’apprenant.
Besoins pédagogiques
Mais comment l’apprenant va-t-il s’approprier la langue? Comment apprend-il? Quels sont les moyens mis à sa disposition?
La collecte de données concernant l’apprenant et son environnement d’apprentissage est fondamentale car ces indications permettront de faire des prédictions. Il sera possible d’anticiper le temps nécessaire à sa progression, d’élaborer les solutions à mettre en œuvre en cas de difficultés.
Les représentations de l’apprenant sur son apprentissage
De nombreux apprenants arrivent en formation avec leur représentation d’un “bon cours de langue”. Cela est lié à leur histoire, et ils reproduisent souvent ce qu’ils ont vécu. Ils demandent par exemple des cours de grammaire parce que dans leur expérience, l’apprentissage de la grammaire était au centre. Prendre en compte ces représentations permet d’aborder la question du besoin pédagogique et de proposer d’autres approches à l’apprenant.
Les conditions d’apprentissage
Combien de temps pourra-t-il consacrer à l’apprentissage?
Le lieu, un bureau isolé ou un open space peuvent être pour le premier un avantage, pour le second un frein à son apprentissage, en fonction de la modalité pédagogique choisie.
L’apprentissage aura-t-il lieu en présentiel ou en ligne?
La question du handicap
Des difficultés spécifiques, comme la dyslexie, doivent être prises en compte pour la préparation du programme.
Les besoins pédagogiques vont influer directement sur la conception du programme de formation et les choix pédagogiques.
besoins et motivation
La dernière catégorie de besoin est le besoin ressenti par l’apprenant concernant la formation en langue. Quelle place occupe cette formation? S’agit-il d’un besoin essentiel pour la carrière de l’apprenant? L’apprentissage de la langue est-il un moyen de manifester sa motivation auprès d’un management étranger?
La question de la motivation est, de mon point de vue, la plus importante et la plus délicate.
Lorsque j’interroge les étudiants sur leur besoin, il correspond toujours, dans un premier temps, à la commande de l’entreprise. Le besoin exprimé pourrait même être qualifié de normatif. Il faut parler français parce que je travaille dans une entreprise française. J’ai besoin du français pour obtenir la nationalité française.
Mais après quelques questions, les frustrations, les lacunes, les manques ressentis ressortent car l’apprenant ne comprend pas les sous-entendus lors des échanges informels Ce peut aussi être une passion tout à fait personnelle, la pâtisserie, par exemple, qui amène l’apprenant à s’intéresser au fonctionnement de la langue étrangère.
L’analyse des besoins doit être mise en lien avec les raisons profondes qui motivent l’apprenant. Ces dernières sont importantes à prendre en compte car elles ont un rôle à jouer dans les choix pédagogiques et la construction des séances de formation.
S’interroger sur la façon dont l’apprenant apprend, ce qui le rassure, ses motivations amène à enrichir l’accompagnement, à choisir un style d’animation ou une modalité pédagogique particulière.
En guise de conclusion
L’analyse du besoin vient compléter le test de niveau de langue à l’entrée en formation et permet d’individualiser le parcours de formation.
Cette analyse va permettre de collecter des données pour l’élaboration du contenu (le lexique spécifique à un domaine professionnel par exemple), mais également pour la conception du programme et le choix des modalités pédagogiques. Enfin, l’analyse du besoin va apporter des indications essentielles pour l’accompagnement et l’animation des séances de formation.
Sources bibliographiques :
Long, M. (2005), Second language Needs Analysis, Cambridge, CUP
Mangiante, J.-M., Parpette Ch (2004) Le français sur Objectif spécifique : de l’analyse des besoins à l’élaboration du cours, Paris, Hachette
Mourlhon-Dalliès, F (2008) Enseigner une langue à des fins professionnelles, Paris, Didier
Vous vous êtes enfin décidées, vous allez enseigner en ligne. Qu’il s’agisse de s’inscrire sur une plateforme comme Preply, de sous-traiter pour un centre de formation proposant des cours en ligne, ou de vous lancer dans l’entreprenariat, l’enseignement en ligne sera différent des cours que vous animez en présentiel.
Dans cet article, je vous propose d’aborder les différentes dimensions de l’organisation du cours en ligne au travers de 4 parties. Nous partirons de l’organisation matérielle pour nous pencher sur l’organisation temporelle dans un second temps. La troisième partie abordera l’organisation de la classe virtuelle et la dernière, l’organisation de la préparation des cours en ligne.
Vous voici armées de quelques pistes pour mettre en place vos cours en ligne. A vous de jouer !
article publié le 24 janvier 2021 et mis à jour le 28 octobre 2022
Qu’il s’agisse de cours de français sur objectif, de français de spécialité ou encore de travailler sur le développement de compétences interculturelles, l’analyse de l’activité, des tâches et des comportements, en amont de la conception des parcours de formation, est fondamentale.
En effet, le contenu ne pourra être pertinent et les résultats de l’apprentissage opérationnels que s’ils répondent aux besoins spécifiques des apprenants dans le contexte de leur exercice professionnel.
Pour analyser l’activité, les tâches et les comportements à adopter dans une situation de travail particulière, plusieurs approches s’offrent à l’ingénieur pédagogique.
Tout d’abord, les entretiens avec les futurs apprenants peuvent porter sur la thématique : la mécanique, la chirurgie, la cuisine, la finance, etc… Cette approche permet essentiellement à l’ingénieur pédagogique ou au concepteur de formation de prendre connaissance du domaine professionnel de l’apprenant, dont il est souvent éloigné, qui lui est peut-être inconnu.
Une seconde approche est l’analyse procédurale. Il s’agit ici d’identifier les tâches et étapes nécessaires à la réalisation de celles-ci. Cette analyse permet de prendre connaissance de ce que fait l’apprenant, des différentes étapes, des compétences nécessaires pour réaliser les actions.
Cependant, si ces deux premières approches sont essentielles à la collecte d’informations et de matériel pour la conception de parcours pédagogiques, Elles sont insuffisantes pour comprendre ce qui se joue au niveau des représentations, des attitudes déterminées culturellement et des comportements.
La méthode des incidents critiques apporte alors une technique permettant aux ingénieurs pédagogiques d’appréhender la dimension comportementale, mais elle est aussi transposable au niveau de l’animation de formation. A ce niveau, elle permet aux apprenants de prendre conscience des différences culturelles pouvant être à l’origine de conflits (exprimés ou non), des attitudes adoptées face à un problème, en situation de travail, dans le but de proposer des solutions de manière individuelle ou collective.
Cette méthode a tout d’abord été décrite par John C. Flanagan en 1954 dans le Psychological Bulletin. Elle a, en premier lieu, été utilisée pour comprendre les facteurs de risques associés à une situation de travail, ou encore les exigences d’une fonction, afin de proposer des mesures correctives. Par la suite, elle a évolué vers une démarche permettant d’améliorer la compréhension de constructions psychosociales issues de l’expérience de différents acteurs. Ainsi, elle a pu être employée lors de formations interculturelles, de formations de gestion, de formations à la gestion du stress, et elle a également été utilisée dans les domaines du marketing, de la relation client ou du recrutement.
Pour ce qui est des formations, cette méthode est particulièrement adaptée au travail de groupe car elle permet de confronter les croyances et représentations de chaque individu dans le cadre d’une démarche réflexive. Au-delà, la méthode peut conduire à la co-construction de nouveaux référentiels et de nouvelles compétences.
Comment créer une séquence pédagogique à partir de cette méthode?
La séquence présentée ci-dessous vise à illustrer les étapes clés de la méthode des incidents critiques.
Cette séquence vise à développer des compétences interculturelles chez des médecins étrangers intervenant en secteur hospitalier. Afin de mettre en place cette séquence, nous avons choisi de partir d’un document déclencheur, une vidéo pédagogique diffusée sur la chaîne Youtube de la Haute Autorité de Santé : annonce d’un dommage associé aux soins, disponible à l’adresse suivante : https://youtu.be/UOs9XyCFkcA .
La situation choisie est par conséquent volontairement problématique et vise à travailler sur la dimension éthique de la communication, les valeurs telles que la transparence et la coopération ainsi que l’empathie.
La méthode des incidents critiques apparaît tout d’abord utile pour comprendre les comportements professionnels, les attitudes et les agir, dans une situation donnée. Dans le cadre de formations professionnelles, elle apporte une démarche dont l’objectif est de modifier les pratiques, en proposant un développement de la réflexion des apprenants sur leurs représentations, leurs ressentis, leurs pratiques et leurs façons de penser. Dans le cadre de la didactique des langues, cette méthode permet d’amener l’apprenant à prendre du recul sur ses représentations, ses valeurs, ses façons d’agir afin de mettre en place des stratégies d’adaptation aux nouvelles situations culturelles auxquelles il est confronté.
article publié le 5 décembre 2020 et modifié le 18 octobre 2022
Commentaires récents