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Apprenant–formateur : comment négocier l’approche pédagogique ?

Cette semaine, j’ai accompagné plusieurs apprenants en FLE. Tous avaient un niveau similaire et des objectifs proches. Pourtant, les cours que j’ai animés n’avaient rien à voir les uns avec les autres. Pour certains, j’ai privilégié un travail structuré sur la grammaire ; pour d’autres, nous avons construit la séance autour de la conversation et de l’auto-correction. Les uns avaient besoin d’être rassurés par des explications claires, les autres cherchaient au contraire le challenge et la mise en situation.

Ce constat du terrain me conforte dans une idée simple : il n’existe pas une méthode universelle, mais une négociation pédagogique entre l’apprenant et le formateur pour trouver la bonne approche, au bon moment.


Des attentes souvent contrastées

Les apprenants ne forment pas un bloc homogène, même à niveau équivalent.

  • Certains réclament avant tout des règles de grammaire précises, un cours structuré selon une routine immuable.
  • D’autres préfèrent pratiquer la langue à l’oral, sans se soucier des structures.

Or, ni la grammaire seule ni la conversation isolée ne suffisent. La grammaire, sans mise en pratique, ne fait pas parler. Et une discussion sans feedback ni apport nouveau n’amène pas de réelle progression.


Soutien ou challenge : trouver le bon dosage

Au-delà des préférences, les apprenants n’ont pas tous le même rapport à la difficulté.

  • Certains ont besoin d’étayages clairs, d’un guidage serré et d’une progression sécurisante pour oser se lancer.
  • D’autres, au contraire, s’épanouissent dans la difficulté et recherchent le défi comme moteur de motivation.

Le rôle du formateur est d’observer, d’écouter et d’ajuster en permanence pour trouver le bon dosage entre sécurité et challenge.


Négocier l’approche pédagogique

Cet ajustement n’est pas une décision unilatérale du formateur. Il gagne à être discuté avec l’apprenant. Expliquer les choix, écouter ses préférences et tester différentes modalités, c’est entrer dans une véritable négociation pédagogique.

Oui, depuis quelques années je porte des lunettes.

Cette démarche a deux effets majeurs :

  1. Elle renforce la relation de confiance et l’engagement de l’apprenant.
  2. Elle favorise une approche métacognitive : l’apprenant réfléchit à sa manière d’apprendre, identifie les stratégies qui lui réussissent et devient plus autonome.

Apprendre à apprendre, ensemble

La diversité pédagogique n’est donc pas seulement une question de méthodes à disposition. C’est une dynamique relationnelle : on apprend ensemble. L’apprenant progresse dans la langue, et en même temps développe sa capacité à apprendre à apprendre.

La question n’est donc pas : quelle est la meilleure méthode ?
Mais bien : comment négocier, ici et maintenant, l’approche pédagogique la plus pertinente avec cet apprenant précis ?

Approche qui pourra bien sûr évoluer dans le temps…

Réalité étendue (XR), Réalité Virtuelle (VR), Réalité Augmentée (AR), Réalité Mixte (RM), CAVE…

Comment s’y retrouver et faire les bons choix pour vos formations pro ?

XR, VR, AR… Le jargon donne souvent le vertige. Et pourtant, ces technologies immersives s’invitent de plus en plus dans les plans de formation. Faut-il investir ? Pour quels usages ?

Je vous propose un guide simple et surtout pratique, avec des cas d’application.

Démystifions la galaxie XR : un guide simple pour s’y retrouver

XR (Extended Reality) est un terme générique qui englobe toutes les technologies immersives. Pensez-y comme à un parapluie sous lequel se nichent la réalité virtuelle, la réalité augmentée et la réalité mixte.

G
Réalité Virtuelle (VR)

 C’est la plus connue. La VR vous immerge totalement dans un environnement numérique, coupant le lien avec le monde réel. Imaginez-vous en train de piloter un avion ou de visiter un site historique à l’autre bout du monde, sans bouger de votre canapé. Les casques VR, comme le Meta Quest, sont les outils typiques de cette immersion. L’objectif est de créer un sentiment de « présence », c’est-à-dire de se sentir réellement « là-bas” ou de sentir le mouvement de vitesse en regardant le paysage à travers la vitre d’un train.

Réalité Augmentée (AR)

L’AR superpose des éléments numériques au monde réel. Votre environnement physique reste visible, mais il est enrichi d’informations virtuelles. Pensez aux filtres Snapchat ou à des applications qui vous permettent de visualiser un meuble dans votre salon avant de l’acheter. En formation, cela peut se traduire par des instructions de montage affichées directement sur une machine réelle.

Réalité Mixte (RM ou MR)

C’est le petit dernier, et souvent le plus « mystérieux ». La RM fusionne le monde réel et le monde virtuel, permettant aux objets numériques d’interagir avec l’environnement physique en temps réel. Imaginez un hologramme 3D d’un moteur flottant devant vous, que vous pouvez manipuler et démonter avec vos mains. C’est plus qu’une simple superposition, c’est une véritable cohabitation interactive.

la CAVE

La CAVE (Cave Automatic Virtual Environment) est une salle immersive où des images sont projetées sur tous les murs, le sol et parfois même le plafond, créant une immersion à 360 degrés sans casque. C’est un peu le « grand frère » des expériences VR individuelles, idéale pour la collaboration en groupe.Un exemple par ici 

La XR : au service de l’efficacité pédagogique, pas un gadget

Maintenant que le vocabulaire est clair, passons à l’essentiel : pourquoi investir dans ces technologies pour la formation professionnelle ? Loin d’être un simple gadget, la XR est un véritable accélérateur pédagogique, offrant des avantages que les méthodes traditionnelles peinent à reproduire.

L'immersion au service de la mémorisation et de la compréhension

Plonger un apprenant dans un environnement réaliste favorise l’acquisition de compétences pratiques et par conséquent permet de développer  son employabilité. L’apprentissage expérientiel et incarné, rendu possible par la XR, facilite la mémorisation et la compréhension. Lorsque l’on vit une situation, même virtuelle, l’impact est bien plus fort que de la lire dans un manuel.

Sécurité et répétition illimitée

Formez vos équipes à des gestes techniques dangereux (travail en hauteur, manipulation de machines complexes) ou à des situations de crise (incendie, gestion d’un client agressif) sans aucun risque physique.  La XR permet de répéter ces scénarios autant de fois que nécessaire, jusqu’à l’acquisition d’automatismes, un luxe impossible ou trop coûteux dans le monde réel. L’erreur devient une opportunité d’apprentissage, sans conséquences fâcheuses.

Développement des soft skills en conditions réelles

Entraînez vos managers à la gestion de conflits, vos commerciaux à la négociation, ou vos équipes aux entretiens délicats. La VR permet de simuler des interactions humaines complexes avec des avatars ou des personnages non-joueurs (PNJ), offrant un espace sécurisé pour expérimenter et ajuster les comportements.

Accès à des situations rares ou coûteuses

Certains métiers nécessitent une exposition à des environnements ou des équipements spécifiques, souvent inaccessibles. La XR supprime ces barrières. Visitez des usines à l’étranger, opérez sur des machines de pointe, ou entraînez-vous à des procédures d’urgence complexes, le tout depuis une salle de formation.

Feedback immédiat et personnalisé

 Les environnements immersifs collectent une multitude de données sur les actions de l’apprenant (direction du regard, temps de réaction, décisions prises). Ces « traces d’apprentissage » permettent un feedback en temps réel et une correction immédiate des erreurs, optimisant ainsi le parcours pédagogique.

Cas d’usage concrets : là où la XR fait la différence

La théorie, c’est bien, mais les exemples, c’est mieux. Voici quelques cas d’usage où la XR démontre concrètement sa plus-value en formation professionnelle :

Formation en langues

Imaginez un apprenant en anglais interagissant avec des personnages virtuels dans un café londonien, commandant un café, posant des questions, et recevant un feedback immédiat sur sa prononciation et sa grammaire. La VR offre un espace sûr pour pratiquer sans la peur du jugement, et l’immersion culturelle renforce l’engagement. Des formations comme celles de Beyond-Words, Mondly VR ou ImmerseMe sont déjà sur le marché et proposent ce type d’expérience.

Développement des soft skills

La Faculté de Droit de l’Institut Catholique de Lille a développé une expérience VR où les étudiants s’entraînent à mener des entretiens avec des clients « sensibles » ou agressifs. Ils doivent gérer leurs émotions, choisir les bonnes réponses face à des situations imprévues, et maintenir leur calme. Les scénarios proposent des niveaux de difficulté croissants, permettant une progression réaliste.

Formation aux gestes métiers et à la sécurité industrielle

Que ce soit pour apprendre à manipuler des outils complexes, réaliser des opérations de maintenance sur des machines, ou simuler des procédures d’urgence, la XR est un atout majeur. Les apprenants peuvent s’exercer en toute sécurité, répéter les gestes jusqu’à la perfection, et commettre des erreurs sans conséquences coûteuses. C’est une solution idéale pour les secteurs de l’industrie, du BTP, ou de la santé.

Intégration et onboarding

Accueillez vos nouveaux collaborateurs dans un environnement immersif pour leur présenter l’entreprise, ses valeurs, ses process, et même les initier à leur poste de travail avant leur premier jour. Cela réduit le stress, accélère l’intégration et renforce l’engagement.

Voici un aperçu rapide des cas où la XR fait vraiment la différence… et ceux où elle est moins pertinente.

Type de situation

Objectif 

Pertinence de la XR

Exemples concrets

Apprentissages gestuels / techniques

Apprendre un geste ou une procédure complexe

Très haute (immersion, répétition, sécurisation)

– Montage d’un moteur en mécanique auto (VR)

– Geste chirurgical ou infirmier (VR)

– Sécurité incendie (AR)

Situations à risque ou coûteuses

Former sans danger ni coût logistique

Très haute

– Simulation de conduite d’engin (VR)

– Maintenance en centrale électrique (VR)

– Réaction en cas d’incident industriel (VR)

Immersion linguistique et culturelle

Vivre une langue ou un contexte social/professionnel

Haute

– Simulation d’un entretien client en anglais (VR)

– Visite virtuelle d’un chantier ou restaurant pour FOS (VR)

– Reconnaître des objets métier en situation (AR)

Visualisation de concepts abstraits

Rendre concret ce qui est invisible ou difficile à représenter

Moyenne à haute

– Atomes, molécules (AR)

– Réseaux électriques (AR)

– Systèmes industriels ou anatomiques (AR)

Travail collaboratif spatial

Co-construction ou formation à distance immersive

Haute (en MR/VR collaboratif)

– Réunion virtuelle autour d’un prototype 3D (MR)

– Atelier de co-design pédagogique (VR)

– Formation produit en équipe internationale

Sensibilisation, empathie, inclusion

Développer une compréhension sensible d’une situation

Haute (VR immersive)

– Se mettre à la place d’un patient (VR)

– Expérience de handicap invisible (VR)

– Simulation d’entretien avec un migrant (FOS)

Investir dans la XR : un choix stratégique et pragmatique

La décision d’intégrer la XR dans votre plan de formation ne doit pas être prise à la légère. Il s’agit d’un investissement qui doit être mûrement réfléchi et aligné avec vos objectifs pédagogiques et stratégiques.

  • Définissez vos besoins et objectifs clairs : Avant d’investir dans la technologie, identifiez précisément les compétences que vous souhaitez développer et les cas d’usage qui apporteront la plus grande valeur ajoutée à votre organisation. Ne sautez pas sur la dernière technologie à la mode sans une analyse préalable rigoureuse.
  • Commencez petit, testez, puis adaptez : Nul besoin de déployer une solution XR à grande échelle dès le départ. Privilégiez des projets pilotes, évaluez leur pertinence et leur efficacité, et ajustez votre approche en fonction des retours. Des modèles comme l’ADDIE (Analyse, Design, Développement, Implémentation, Évaluation), le CEPAJe (Contexte, Enseignant, Pédagogie, Apprenant, Jeu) ou encore CAMIL (Contexte, Activité, Médiation, Intention, Logique) peuvent vous guider dans cette démarche itérative.  Un bon dispositif XR s’inscrit toujours dans une stratégie pédagogique pensée en amont.
  •  Formez vos équipes internes : L’intégration de la XR nécessite une acculturation et une formation de vos responsables formation, de vos équipes RH, et de vos concepteurs pédagogiques. Ils seront les garants de la bonne utilisation et de la pérennité de ces outils.
  • Mesurez le ROI pédagogique : Au-delà de l’aspect financier, le retour sur investissement de la XR se mesure avant tout en termes d’amélioration des compétences, de réduction des coûts liés aux erreurs, de gain de temps de formation, et d’engagement des apprenants. Mettez en place des indicateurs clairs pour évaluer l’impact réel de ces technologies.

En conclusion, la XR n’est pas qu’une simple tendance technologique, c’est un véritable atout. Pour autant, la XR ne se prête pas à toutes les formations. Son usage doit toujours être réfléchi en fonction du contexte, des objectifs pédagogiques et du public. Elle sera moins pertinente dans des formations purement théoriques ou lorsqu’une simple vidéo ou un tutoriel est plus adapté.

Éducation client vs service client : les limites d’un support 100% « self-service »

Nous sommes nombreux à avoir vécu cette situation frustrante : un blocage sur un service en ligne comme l’impossibilité de modifier une adresse, de retrouver un mot de passe ou de résilier un abonnement. Rien n’y fait, la FAQ, les recherches sur Google ou le chatbot du site. Impossible de débloquer la situation. Malgré la multiplication des tutoriels et bases de connaissances en ligne, rien ne remplace le soulagement d’entendre une voix humaine pouvant résoudre enfin le problème.

woman in black headphones holding black and silver headphones

Pourtant, de plus en plus d’entreprises misent sur le Customer Education – c’est-à-dire l’éducation client – pour accompagner leurs utilisateurs. Guides en ligne, tutoriels vidéo, webinaires, FAQ interactives… ces ressources offrent un support en libre-service accessible 24/7. D’ailleurs, un article de Raffle indique que 90% des clients s’attendent à ce que les marques proposent un portail de support en self-service sur Internet.

Quels sont les objectifs de l’éducation client ?

  • rendre l’utilisateur autonome pour utiliser un service. On pense par exemple à Moodle Academy ou Hubspot Academy qui permettent à l’utilisateur de se former pour profiter au maximum des fonctionnalités de ces outils.
  • fidéliser la clientèle en renforçant son attachement à la marque et en réduisant le taux d’attrition (churn)1
  • réduire la charge du support : des clients bien formés résolvent plus de problèmes par eux-mêmes, ce qui allège le service client

Mais former les clients suffit-il à les satisfaire ?

Les usages efficaces de l’éducation client

  • Onboarding et formation initiale : Au moment d’accueillir un nouveau client, des contenus éducatifs bien pensés font toute la différence. Guides de démarrage rapide, tutoriels de prise en main, modules e-learning initiaux… Ces outils permettent d’accompagner le client pas à pas dans ses premiers usages. C’est par exemple de cas de Salesforce qui propose un parcours d’onboarding gamifié et modulaire, où les utilisateurs progressent via des badges et des parcours personnalisés. L’approche combine texte, vidéo et interactivité, permettant à chacun d’avancer à son rythme tout en découvrant les fonctionnalités clés du produit.
  • Autonomie au quotidien : Au-delà de l’onboarding, une base de connaissances en libre-service aide les utilisateurs à trouver rapidement des réponses aux questions courantes, sans devoir attendre l’intervention d’un agent. C’est un gain de temps et de confort pour eux comme pour le service client. Pour les soucis simples (paramétrages, questions fréquentes…), beaucoup de clients préfèrent une solution en self-service plutôt que de passer un appel – d’après l’article de Raffle cité plus haut, plus de 60 % des consommateurs américains privilégient une solution digitale autonome pour les demandes basiques plutôt que de parler à un représentant.
  • Montée en compétence continue : L’éducation client ne s’arrête pas après les débuts. Des webinaires réguliers, des articles de blog instructifs, des sessions de formation avancée sur les nouvelles fonctionnalités et des forums communautaires ainsi que des certifications permettent de maintenir l’engagement des utilisateurs dans la durée. C’est le cas des académies comme Hubspot, Moodle ou Salesforce Trailhead.

Cependant, malgré tous ces atouts, il est crucial de comprendre que l’éducation client a ses limites. Elle ne peut remplacer à 100 % le service client, elle peut montrer des failles et engendrer des frustrations. Voyons pourquoi elle ne remplacera jamais totalement un humain au bout du fil.

Les limites de l’éducation client comme substitut au service client

  • Tout d’abord, tous les problèmes clients ne peuvent être anticipés. Il existe une infinité de cas d’usage, de situations particulières ou de combinaisons de bugs que même la meilleure base de connaissances ne peut anticiper. Par ailleurs, parfois, la démarche conseillée par la documentation ne fonctionne pas, tout simplement. Soit parce que le client a mal suivi les instructions, soit – et c’est fréquent – parce qu’un bug logiciel ou une panne technique empêche la résolution. Dans ces moments, le client peut passer des heures à appliquer des tutoriels « à la lettre » sans succès. La différence avec un humain, c’est que ce dernier pourra identifier qu’il y a un bug ou une contrainte externe, et agir en conséquence (escalader le problème aux développeurs, proposer une solution manuelle de contournement, etc.).
  • La dimension humaine reste cruciale car les clients ont besoin de réassurance et d’empathie, c’est ce qui ressort de l’ article d’Apizee qui évoque les frustrations liées aux « doom loops » : les clients passent de bases de connaissances en chatbots sans avoir de contact avec un humain, ce qui engendre de la fruxtration et finalement, une baisse de la fidélité. Enfin, au delà de l’écoute et de l’empathie dont peut faire preuve un être humain, il y a la question de la confiance. Lire un article pour résilier un abonnement et ne pas y parvenir puis tenter d’obtenir une réponse d’un chatbot qui renvoi un message de prise en compte…du message donne carrément envie de fuir (mais non, on n’a pas réussi à résilier l’abonnement !).
  • Au contraire, un échange humain renforce la confiance : la capacité à personnaliser la réponse et à dialoguer fait que le client se sent entendu et important.

Conclusion

Au final, l’éducation client peut être très utile, lorsque son contenu est à jour, et peut faire gagner beaucoup de temps au client. Mais se reposer uniquement sur des contenus et des échanges asynchrones, fait courir les risques de créer des frustrations, de perdre la confiance de l’utilisateur ou de le mettre en colère. Comme pour la formation, la possibilité d’avoir des échanges synchrones avec des humains reste indispensable . L’éducation client et l’automatisation ne peuvent remplacer le service client. Pour une expérience client réussie, il faut allier les deux approches.

  1. Le taux d’attrition* est, au cours d’une période donnée, la proportion de clients perdus ou ayant changé de produit et service de la même entreprise. Ce terme est principalement utilisé dans les secteurs des télécommunications et bancaire, notamment autour de la fidélisation aux offres, mesurée par le taux de fidélité. (source Wikipedia) ↩︎

Pour le salarié d’une entreprise, apprendre une langue étrangère est rarement un hobby culturel. Il s’agira plutôt d’acquérir des outils linguistiques pour réaliser des tâches telles que donner des consignes de sécurité sur un chantier ou négocier des contrats à l’international. L’intention est ici différente de l’objectif scolaire et universitaire qui est de développer des compétences culturelles et académiques. L’objectif et la situation de l’apprenant vont alors avoir un impact important sur les choix pédagogiques et l’organisation des formations.

Une même langue, des usages différents

Si on consulte les référentiels de l’enseignement secondaire, et particulièrement ceux du lycée, la part de la culture et de la littérature est assez importante. En effet, pour les sections générales, il s’agit essentiellement de développer des compétences d’analyse culturelle, d’argumentation et d’analyse critique de la langue. La construction des programmes et les choix méthodologiques s’appuient sur le CECRL (Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues).

En revanche, la construction de la progression pédagogique en entreprise part de l’analyse du besoin spécifique : pitcher un produit, rédiger une offre technique, appliquer les consignes du chef de chantier pour mettre en place un coffrage… Avant de créer le programme de formation, on réalise une étude du métier et des besoins linguistiques pour réaliser les tâches professionnelles : lexique, genres discursifs, jargon propre au métier ou à l’entreprise.

Une même langue, des objectifs différents

Dans le cadre de l’apprentissage scolaire, l’objectif visé est l’obtention d’un diplôme, l’acquisition d’un niveau permettant de poursuivre ses études dans le supérieur. 

Pour l’entreprise, l’objectif est de réaliser une performance ayant un impact économique ou social dans l’entreprise.

Une même langue, des situations différentes

Le cadre académique ou scolaire laisse peu de place à l’individualisation de la formation. Les grands groupes (en France on monte à 25,5 élèves par classe en secondaire (source OCDE)) imposent des progressions linéaires et peu de feedbacks sur les productions orales.

Le contexte de la formation professionnelle continue permet de mettre en place des formations individuelles ou en petits groupes de 8 à 12 apprenants maximum et permettent d’utiliser les pédagogiqes actives à leur plein potentiel : simulations en lien avec le métier, utilisation de la XR ou application directement sur le lieu de travail ( côté productivité, 88 % des employeurs ont constaté une amélioration de la productivité en magasin après une formation linguistique contextualisée (source https://immigrationforum.org/)). Cependant, l’organisation des formations doit être plus flexible pour répondre aux contraintes professionnelles.

Une même langue, une conception pédagogique différente

L’évaluation dela réussite de la formation scolaire se fera à travers les moyennes obtenues ou le pourcentage d’obtention de diplômes. Dans le cadre de l’entreprise, il faudra définir des KPI pour mesurer l’atteinte des objectifs de la formation (accélération de l’intégration des nouveaux salariés, amélioration de la collaboration inter-équipes, etc..).

  • La réalisation de formations de langues pour les entreprises repose alors sur:
  • une cartographie des compétences pour répondre aux besoins spécifiques, 
  • la conception de parcours hybrides permettant d’offrir une grande flexibilité d’organisation tout en maximisant l’impact des sessions synchrones,
  • le choix de sessions individuelles ou en petits groupes afin de favoriser les participation et garantir des feedbacks réguliers
  • le pilotage de la donnée centrés sur les résultats et pas seulement le nombre d’heures de formation (selon la majorité des référentiels – CEFR, Cambridge English, Alliance Française, FSI et Département d’État américain – atteindre le niveau B2 en français requiert environ 500 à 600 heures de formation guidée).

Au final, si la structure de la langue reste la même, son apprentissage ne saurait l’être : entre l’école et l’entreprise, l’intention, les objectifs, les situations et les méthodes pédagogiques divergent radicalement. Pour être véritablement efficace en contexte professionnel, une formation linguistique doit passer d’un modèle généraliste et culturel à un dispositif centré sur l’action : cartographie fine des besoins, parcours hybrides modulables, petits groupes et indicateurs de performance concrets.

Pourquoi apprendre une langue étrangère à l’ère de la traduction automatique ?

J’ai demandé à Chat GPT pourquoi apprendre une langue à l’heure où l’IA traduit tout automatiquement.

La réponse se compose de 6 points : la compréhension culturelle, la pensée critique et la créativité, la communication nuancée, les opportunités professionnelles, l’enrichissement personnel et enfin l’indépendance des technologies.

J’ai ensuite posé la question de l’ordre d’importance de ces idées et le chatbot les a classées dans cet ordre : communication nuancée, compréhension culturelle, opportunités professionnelles, pensée critique et créativité, indépendance des technologies et enrichissement personnel, précisant à la fin que « cet ordre est cependant flexible […]. » et dépend de ce qui est valorisé par la personne qui apprend la langue.

J’ai décidé de discuter du premier de ces points avec le robot et je lui ai donc demandé pourquoi la communication nuancée ne peut être remplacée par l’IA. Voici la réponse du chatbot :

« La communication nuancée ne peut pas être complètement remplacée par l’IA pour plusieurs raisons fondamentales liées aux subtilités du langage, à la complexité des interactions humaines, et aux limitations actuelles de l’intelligence artificielle :

  1. Contexte et Subtilités Culturelles : Le langage est profondément ancré dans le contexte culturel. Les expressions idiomatiques, les références culturelles et les nuances de politesse varient d’une langue à l’autre et même d’une région à l’autre. Une IA peut traduire des mots, mais elle peut avoir du mal à saisir et à restituer les nuances culturelles ou contextuelles, ce qui peut mener à des malentendus.
  2. Intention et Émotion : La communication humaine est souvent chargée d’émotions et d’intentions subtiles qui ne sont pas toujours explicites dans les mots eux-mêmes. Le ton, l’intonation, les pauses, et même les gestes ou expressions faciales jouent un rôle crucial dans le message global. Bien que l’IA progresse dans la reconnaissance des émotions, elle n’a pas encore la capacité de comprendre ou de restituer pleinement ces aspects de manière précise et adaptée à chaque situation.
  3. Polyvalence et Ambiguïté : Le langage humain est intrinsèquement ambigu, avec de nombreux mots ayant plusieurs significations en fonction du contexte. Les humains sont capables de naviguer dans cette ambiguïté grâce à leur compréhension globale du contexte, des relations et de l’intention. Les systèmes d’IA, même avancés, peuvent se tromper dans le choix du sens approprié ou dans l’interprétation des intentions.
  4. Créativité et Invention de Nouveaux Langages : Les humains sont constamment en train de créer de nouvelles expressions, de jouer avec les mots, et de développer des langages propres à des sous-cultures ou groupes spécifiques. L’IA suit des modèles préexistants et pourrait avoir du mal à suivre cette innovation linguistique, surtout dans des environnements sociaux dynamiques.
  5. Réactions Adaptatives : Lors d’une conversation, les humains ajustent constamment leur discours en fonction des réactions immédiates de leur interlocuteur, que ce soit par rapport à leur langage corporel, leur expression faciale ou les mots qu’ils choisissent. Cette adaptabilité instantanée est difficile à reproduire pour une IA, qui suit des algorithmes prédéfinis et manque souvent de la flexibilité requise pour répondre adéquatement à des situations complexes ou inattendues.
  6. Limites Techniques : Même les IA les plus avancées ont des limites techniques, comme des erreurs dans la reconnaissance de la voix, la traduction littérale sans compréhension du contexte, ou des biais inhérents aux données sur lesquelles elles sont formées. Ces limitations peuvent mener à des traductions ou interprétations incorrectes qui nuisent à la communication nuancée.

En résumé, la communication humaine est un processus complexe qui va bien au-delà du simple échange de mots. Elle implique une compréhension profonde du contexte, des émotions, des intentions et des relations interpersonnelles, des aspects que l’IA, dans son état actuel, ne peut pas entièrement reproduire ou remplacer. »

À la lecture de cette réponse, je me dis que le formateur en langue a encore de belles années devant lui. Cependant, si je liste les termes relevant du champ lexical de la nuance dans la réponse de Chat GPT (en fait je lui ai demandé de le faire 😉) j’obtiens : * Subtilités * Contexte * Intention * Emotion * Ambiguïté * Polyvalence * Significations * Adaptative * Complexe * Précise * Restituer * Interprétation * Implicite * Flexibilité * Réactions * Approprié * Invention. Je me suis ensuite amusée à prendre le tableau des descripteurs du CECR (le cadre européen commun de référence pour les langues) afin d’y chercher les termes du champ lexical de la nuance et j’ai obtenu les résultats suivants en comptant le nombre d’occurrences du champ lexical pour chacun des niveaux. Et il ressort que le niveau C1 est celui où le champ lexical de la nuance est le plus important.

Étiquettes de lignes Nombre de Niveau
A1 7
A2 10
A2+ 12
B1 34
B1+ 16
B2 39
B2+ 33
C1 82
C2 53
(vide)
Total général 286

Alors voici mes questions :

Est-il encore utile d’apprendre une langue si on se contente d’avoir un niveau B1, car un outil de traduction automatique pourrait tout à fait faire le travail beaucoup mieux ?

Pensez-vous qu’il faille atteindre un niveau C1 en langue étrangère pour être en capacité de s’exprimer ou de comprendre les nuances d’un discours ? Et si c’est ce niveau qui doit être visé, quelles sont les pratiques pédagogiques qui permettraient de favoriser la réussite des apprenants tout en maintenant leur motivation ?

Pour terminer, doit-on apprendre les langues autrement à l’ère du développement du big data et des outils d’intelligence artificielle ?

Crédit : Image de freepik

CECR