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Pourquoi apprendre une langue étrangère à l’ère de la traduction automatique ?

J’ai demandé à Chat GPT pourquoi apprendre une langue à l’heure où l’IA traduit tout automatiquement.

La réponse se compose de 6 points : la compréhension culturelle, la pensée critique et la créativité, la communication nuancée, les opportunités professionnelles, l’enrichissement personnel et enfin l’indépendance des technologies.

J’ai ensuite posé la question de l’ordre d’importance de ces idées et le chatbot les a classées dans cet ordre : communication nuancée, compréhension culturelle, opportunités professionnelles, pensée critique et créativité, indépendance des technologies et enrichissement personnel, précisant à la fin que « cet ordre est cependant flexible […]. » et dépend de ce qui est valorisé par la personne qui apprend la langue.

J’ai décidé de discuter du premier de ces points avec le robot et je lui ai donc demandé pourquoi la communication nuancée ne peut être remplacée par l’IA. Voici la réponse du chatbot :

« La communication nuancée ne peut pas être complètement remplacée par l’IA pour plusieurs raisons fondamentales liées aux subtilités du langage, à la complexité des interactions humaines, et aux limitations actuelles de l’intelligence artificielle :

  1. Contexte et Subtilités Culturelles : Le langage est profondément ancré dans le contexte culturel. Les expressions idiomatiques, les références culturelles et les nuances de politesse varient d’une langue à l’autre et même d’une région à l’autre. Une IA peut traduire des mots, mais elle peut avoir du mal à saisir et à restituer les nuances culturelles ou contextuelles, ce qui peut mener à des malentendus.
  2. Intention et Émotion : La communication humaine est souvent chargée d’émotions et d’intentions subtiles qui ne sont pas toujours explicites dans les mots eux-mêmes. Le ton, l’intonation, les pauses, et même les gestes ou expressions faciales jouent un rôle crucial dans le message global. Bien que l’IA progresse dans la reconnaissance des émotions, elle n’a pas encore la capacité de comprendre ou de restituer pleinement ces aspects de manière précise et adaptée à chaque situation.
  3. Polyvalence et Ambiguïté : Le langage humain est intrinsèquement ambigu, avec de nombreux mots ayant plusieurs significations en fonction du contexte. Les humains sont capables de naviguer dans cette ambiguïté grâce à leur compréhension globale du contexte, des relations et de l’intention. Les systèmes d’IA, même avancés, peuvent se tromper dans le choix du sens approprié ou dans l’interprétation des intentions.
  4. Créativité et Invention de Nouveaux Langages : Les humains sont constamment en train de créer de nouvelles expressions, de jouer avec les mots, et de développer des langages propres à des sous-cultures ou groupes spécifiques. L’IA suit des modèles préexistants et pourrait avoir du mal à suivre cette innovation linguistique, surtout dans des environnements sociaux dynamiques.
  5. Réactions Adaptatives : Lors d’une conversation, les humains ajustent constamment leur discours en fonction des réactions immédiates de leur interlocuteur, que ce soit par rapport à leur langage corporel, leur expression faciale ou les mots qu’ils choisissent. Cette adaptabilité instantanée est difficile à reproduire pour une IA, qui suit des algorithmes prédéfinis et manque souvent de la flexibilité requise pour répondre adéquatement à des situations complexes ou inattendues.
  6. Limites Techniques : Même les IA les plus avancées ont des limites techniques, comme des erreurs dans la reconnaissance de la voix, la traduction littérale sans compréhension du contexte, ou des biais inhérents aux données sur lesquelles elles sont formées. Ces limitations peuvent mener à des traductions ou interprétations incorrectes qui nuisent à la communication nuancée.

En résumé, la communication humaine est un processus complexe qui va bien au-delà du simple échange de mots. Elle implique une compréhension profonde du contexte, des émotions, des intentions et des relations interpersonnelles, des aspects que l’IA, dans son état actuel, ne peut pas entièrement reproduire ou remplacer. »

À la lecture de cette réponse, je me dis que le formateur en langue a encore de belles années devant lui. Cependant, si je liste les termes relevant du champ lexical de la nuance dans la réponse de Chat GPT (en fait je lui ai demandé de le faire 😉) j’obtiens : * Subtilités * Contexte * Intention * Emotion * Ambiguïté * Polyvalence * Significations * Adaptative * Complexe * Précise * Restituer * Interprétation * Implicite * Flexibilité * Réactions * Approprié * Invention. Je me suis ensuite amusée à prendre le tableau des descripteurs du CECR (le cadre européen commun de référence pour les langues) afin d’y chercher les termes du champ lexical de la nuance et j’ai obtenu les résultats suivants en comptant le nombre d’occurrences du champ lexical pour chacun des niveaux. Et il ressort que le niveau C1 est celui où le champ lexical de la nuance est le plus important.

Étiquettes de lignes Nombre de Niveau
A1 7
A2 10
A2+ 12
B1 34
B1+ 16
B2 39
B2+ 33
C1 82
C2 53
(vide)
Total général 286

Alors voici mes questions :

Est-il encore utile d’apprendre une langue si on se contente d’avoir un niveau B1, car un outil de traduction automatique pourrait tout à fait faire le travail beaucoup mieux ?

Pensez-vous qu’il faille atteindre un niveau C1 en langue étrangère pour être en capacité de s’exprimer ou de comprendre les nuances d’un discours ? Et si c’est ce niveau qui doit être visé, quelles sont les pratiques pédagogiques qui permettraient de favoriser la réussite des apprenants tout en maintenant leur motivation ?

Pour terminer, doit-on apprendre les langues autrement à l’ère du développement du big data et des outils d’intelligence artificielle ?

Crédit : Image de freepik

CECR

La conception de cours de langue revisitée par l’IA

Le développement de l’enseignement des langues et notamment sur objectif spécifique (qui consiste à proposer des cours de langue adaptés aux besoins spécifiques tels que l’anglais pour une équipe d’architectes travaillant sur un projet international ou encore le français pour des infirmiers devant exercer à l’hôpital public) exige un engagement considérable en termes de temps et d’effort de la part du formateur/concepteur. Que ce soit dans le cadre de formations initiales introduisant des cours en langue étrangère dans les écoles et les universités, ou dans le contexte de la formation professionnelle continue, il est impératif que l’acquisition de la langue réponde aux besoins spécifiques des apprenants. Cela favorise leur engagement et leur capacité à appliquer rapidement leurs connaissances en situation professionnelle ou académique. Mais cela reste une activité qui demande beaucoup de temps pour la collecte de documents authentiques, leur analyse et leur transformation en outils pédagogiques.

a close up of a laptop on a table

Cependant, le développement rapide de l’intelligence artificielle, notamment des chatbots et des LLM comme Chat GPT, offre une opportunité de repenser la conception des cours de langue. Des outils tels que Chat GPT, BARD, et magicschool.ai ont inauguré une nouvelle ère permettant d’améliorer les expériences d’apprentissage. De la création de parcours d’apprentissage personnalisés à la mise en place d’évaluations de compétences spécifiques, l’utilisation de l’IA présente de nombreux avantages, mais laisse encore la part belle à la créativité et à l’esprit critique du formateur.

Par exemple, un prompt bien formulé sur Chat GPT nous permet d’obtenir une analyse linguistique d’un texte : champs lexicaux, liste des temps verbaux, actes de langage, ton du texte, etc… Autant d’informations que le formateur en langue pourra réutiliser pour concevoir des activités sur ce texte.

L’outil Magicschool est quant à lui conçu pour faciliter le travail des enseignants, tant dans la conception des cours, que l’évaluation et le suivi des apprenants. Cet outil peut être utilisé quelque soit la discipline enseignée, mais j’évalue ici l’intérêt de cette application dans le domaine de l’enseignement des langues. Pour avoir une illustration détaillée des tests réalisés dans le cadre de la conception d’une séance de FLE de niveau B1-B2 vous pouvez consulter la formation gratuite que j’ai réalisée ici.

La démarche a consisté à tester certaines fonctionnalités (déjà nombreuses) de Magicschool afin d’élaborer des activités de compréhension orale, compréhension écrite, expression orale et expression écrite. J’ai aussi pu élaborer des évaluations et des grilles critériées d’évaluation pour les jeux de rôle. Les outils de Magicschool permettent de créer des quiz, des listes de vocabulaire avec leur définition, des questions de compréhension ou encore des suggestions de devoirs résistant à l’IA. Mais l’outil qui a le plus retenu mon attention en tant que formatrice de FLE est le générateur de questions vidéo youtube. En effet, à partir d’une url de vidéo, l’outil propose des questions (QCM, vrai/faux ou réponses libres) sur le contenu de la vidéo, ce qui permet de gagner un temps considérable sur la conception d’une activité chronophage. L’outil apparait donc particulièrement intéressant et prometteur pour la conception de cours de langue sur mesure même s’il présente des limites.

En effet, certaines questions posées ne sont pas forcément pertinentes dans le cadre de l’acquisition des langues. Certaines réponses proposées aux questions sont erronées. Enfin, dans le cadre de l’enseignement d’une langue sur objectif spécifique, l’outil ne dispense pas d’une réelle analyse du besoin et par conséquent de la collecte de documents et de l’acquisition de connaissances sur le domaine professionnel ou scientifique afin de proposer des activités et des supports pertinents aux apprenants.

Une autre question se pose, c’est celle de la formation des enseignants à l’utilisation de ces outils afin d’en faire une utilisation efficace dans leur travail. Formation aux outils numériques allant de pair avec le développement de l’esprit critique et de la créativité ainsi que de l’expertise dans un domaine professionnel ou scientifique.

En conclusion, L’intelligence artificielle se présente comme un outil qui vient soutenir la conception de cours de langue, ouvrant de nouvelles perspectives aux formateurs et accélérant la préparation des cours. En intégrant ces avancées technologiques à l’interaction humaine, cela permet aux enseignants d’enrichir la diversité des cours. Cette synergie entre l’IA et l’implication humaine peut créer un environnement d’apprentissage dynamique et efficace pour l’acquisition des langues.

Pour vous initier à l’utilisation de l’IA pour concevoir les cours de langue, rejoignez mon cours gratuit : Conception de vos cours de langue: accélérez grâce à l’IA

Utiliser une langue étrangère comme langue de formation : 8 conseils pour suivre une formation internationale

Aujourd’hui, les opportunités pour se former en utilisant une langue étrangère sont nombreuses et variées. Que ce soit à travers le Programme Erasmus+ en Europe, les programmes en anglais proposés par les universités et les Grandes Écoles, les partenariats internationaux permettant la mobilité des étudiants, ou encore les plateformes de formation en ligne telles que Future Learn en anglais, Fun Mooc en français ou Xuetangx en chinois, l’apprentissage en langue étrangère est à portée de main pour ceux qui le désirent.

Pourquoi étudier ou se former dans une langue étrangère?

Les motivations qui amènent à suivre une formation en langue étrangère sont diverses. Elles peuvent inclure le désir de progresser dans la langue cible, de suivre son conjoint ou sa famille dans un pays étranger et pouvoir y travailler. Ce peut être aussi l’intérêt intrinsèque pour la langue elle-même.

L’attrait pour le contenu spécifique des cours dispensés dans la langue cible est également un moteur assez puissant, comme par exemple s’inscrire à l’atelier des Chefs pour suivre les cours du CAP pâtissier en ligne quand on est américain, qu’on vit à New York et qu’on souhaite maîtriser les techniques culinaires françaises.

L’obtention de certifications de formation dans une langue étrangère offre également  des opportunités professionnelles dans des entreprises internationales. 

La volonté de vivre une expérience à l’étranger, ou encore la recherche d’un diplôme d’une université prestigieuse sont encore des moteurs incitant à entrer dans une formation en langue étrangère.

 

Des défis à surmonter

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Qu’il s’agisse de développement personnel ou professionnel, il n’a jamais été aussi accessible de se former dans une langue étrangère.Cependant, se former dans une langue étrangère peut également présenter des défis significatifs.

Tout d’abord, il est nécessaire d’atteindre un niveau minimal de compétence linguistique, qui peut varier selon le programme (au minimum un niveau B1 et B2 dans la plupart des cas). Par ailleurs, il faut ajouter à la maîtrise de la langue l’acquisition et la compréhension de subtilités culturelles qui peuvent, par exemple, avoir une incidence sur les attendus lors des évaluations.

Ensuite, il faut accepter le fait que l’apprentissage et la progression seront généralement plus lents que dans sa langue maternelle, en fonction du niveau de maîtrise de la langue cible et des connaissances dans le domaine d’étude. En outre, la rédaction et la préparation de présentations orales dans la langue étrangère demanderont également plus de temps et d’efforts.

Enfin, dans le cadre d’un séjour à l’étranger, l’apprenant peut parfois se sentir isolé s’il a du mal à communiquer avec ses pairs locaux ou s’il se sent exclu en raison de la barrière linguistique.

 

Et des stratégies à mettre en place

Pour réussir dans cette entreprise ambitieuse, plusieurs stratégies peuvent être mises en place. Je vous livre ici 8 conseils.

Conclusion

En combinant ces conseils avec une approche disciplinée et en cultivant votre motivation vous pouvez maximiser votre succès lors de votre formation dans une langue étrangère. Chacune de ces stratégies peut contribuer à renforcer vos compétences linguistiques et à faciliter votre adaptation à un environnement d’apprentissage en langue étrangère.

Ressources consultées:

Décodage du nuage de mots

On décode le nuage de mots par Sophie B Comazzi
Pédagogie et gestion des talents : comment les compétences de formateur en langue peuvent être transférées aux ressources humaines et vice-versa

Pédagogie et gestion des talents : comment les compétences de formateur en langue peuvent être transférées aux ressources humaines et vice-versa

Lors d’un précédent article, j’avais abordé les compétences clés du formateur en langue. Aujourd’hui, je me penche sur ces compétences à travers le prisme des virages, transitions et tournants que j’ai empruntés dans mon parcours professionnel, notamment entre la formation en FLE et le domaine des ressources humaines, ainsi que ceux que j’ai observés chez les étudiants que j’accompagne dans leur démarche de reconversion entre deux univers.

Les compétences acquises dans l’enseignement d’une langue étrangère peuvent sembler spécifiques, centrées sur la didactique et la linguistique. Toutefois, en y regardant de plus près, on découvre une multitude d’habiletés et de connaissances parfaitement transposables au domaine des ressources humaines (RH). Et l’inverse est tout aussi vrai. J’explore, dans cet article, les passerelles entre ces deux domaines a priori éloignés.

Gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) et analyse des activités et compétences

L’enseignement d’une langue dans un cadre professionnel implique une approche sur objectif spécifique qui cible des compétences linguistiques particulières en fonction des besoins professionnels ou sectoriels précis de l’apprenant. Cette spécialisation requiert du formateur une fine analyse des métiers et des compétences associées. Par exemple, enseigner le français à un ingénieur n’est pas la même chose qu’à un médecin ou à un avocat. Chaque profession possède son discours, son jargon et sa culture. Le travail du formateur en langue consiste dans un premier temps à analyser l’activité, les compétences à l’œuvre dans un contexte donné en prenant en compte la culture d’entreprise pour fournir un parcours de formation adapté.

Dans le monde des RH, une compréhension précise des métiers et des compétences est tout aussi cruciale. Cela permet non seulement d’identifier les besoins en formation, mais aussi d’aligner les ressources humaines avec la stratégie globale de l’entreprise. Le formateur en langue, avec son expérience en analyse des besoins spécifiques de chaque métier, peut donc transposer son expertise aux RH. Il peut aider à décrypter les compétences clés, à concevoir des formations adaptées et à anticiper les besoins futurs en compétences de l’entreprise.

Ingénierie pédagogique

  • Conception de cours : Forts de leur expérience en élaboration de programmes de formation, les professionnels RH peuvent aisément concevoir des cursus en langue structurés et efficaces, centrés sur les besoins réels des apprenants. De même, les formateurs en langue peuvent utiliser leurs compétences ingénierie pédagogique pour élaborer des parcours de formation professionnelle répondant aux besoins d’une entreprise.
  • Animation de formation et gestion des groupes : Les habiletés de communication développées par le RH lui permettent d’animer une session de le cours de langue de manière engageante, en favorisant l’interaction et l’expression de chacun.
  • Évaluation et suivi : La gestion des performances et le suivi de l’évolution des compétences propres au RH trouvent un écho dans les systèmes d’évaluation mis en place par les formateurs en langue qui ont l’habitude d’utiliser des descripteurs précis permettant de mesure l’atteinte des objectifs d’une formation.

Communication

Les deux métiers nécessitent de communiquer clairement et efficacement afin de réduire au maximum l’incompréhension et le malentendu. C’est par exemple, pour le formateur en langue, expliquer des gestes non verbaux comme le hochement de la tête qui n’a pas la même signification en Grèce et en France ou les particularités de la communication d’un médecin avec son patient à des internes étrangers en France. C’est transmettre des informations complexes et spécifiques comme l’explication de la lecture d’une fiche de paie en RH.

Conduite du changement

La conduite du changement est un art délicat, que ce soit en salle de classe ou au sein d’une organisation. Les formateurs en langue sont rompus à l’art de guider les apprenants à travers des transformations profondes de leurs habitudes linguistiques et de leurs perspectives culturelles. C’est notamment le cas des formations en langue d’intégration qui visent non seulement l’acquisition de connaissances linguistiques et culturelles mais également l’adhésion aux valeurs du pays d’accueil. Les formateurs établissent alors des objectifs clairs, anticipent les résistances, soutiennent les étapes de progression et célèbrent les réussites. D’une manière similaire, les professionnels des RH orchestrant une conduite du changement doivent tracer une vision, gérer les réticences, assurer un suivi continu et reconnaître les efforts. Dans les deux cas, la capacité à écouter activement, à communiquer efficacement et à instaurer un climat de confiance est primordiale.

Conclusion

Loin d’être cloisonnés dans leurs domaines respectifs, le formateur en langue et le professionnel RH possèdent un ensemble de compétences qui, une fois croisées, offrent une multitude de possibilités. Qu’il s’agisse d’analyser des compétences, de concevoir des programmes de formation, de communiquer efficacement ou de gérer le changement, les compétences acquises dans l’un de ces domaines peuvent être précieusement appliquées à l’autre. Lors des transitions professionnelles, il est essentiel d’évaluer les compétences transférables, car elles constituent des atouts majeurs pour la réussite d’un projet de reconversion.

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Natif ou non : débat sur les compétences du formateur en langue?

Si vous cherchez un formateur pour apprendre une langue étrangère, intuitivement, vous pensez qu’un natif incarnera l’idéal du professeur de langue.

Prenons l’anglais. Considérez vous que le professeur d’anglais idéal est né à Londres ou à New York? Alors que vous allez vous installer pendant quelques années à Singapour pour un emploi dans une entreprise internationale. Ou bien, la banque pour laquelle vous travaillez va vous envoyer régulièrement superviser sa filiale en Afrique du Sud.

D’où est natif votre professeur idéal? Et cela est-il gage d’une formation efficace?

L’enseignement des langues étrangères est en effet un domaine qui nécessite une compréhension des fonctionnements de la langue, de la culture, et des méthodologies d’enseignement, ce qui va au-delà de la capacité à parler une langue, qu’elle soit première ou seconde. Explorons la question.

Compétences linguistiques

Le locuteur natif possède une maîtrise implicite de la langue, y compris de ses nuances, de son argot et de ses expressions idiomatiques, ce qui lui permet d’apporter des connaissances très précises selon les contextes de communication. Cependant, s’il n’a pas de formation linguistique, il pourrait rencontrer des difficultés à expliquer les concepts grammaticaux de manière claire ou à faire comprendre le sens d’un nouveau mot. À l’inverse, le locuteur non natif a une connaissance explicite des structures et du lexique qui lui permet d’anticiper les difficultés ou les erreurs fréquentes.

Compétences culturelles

Le locuteur natif a une compréhension profonde de la culture du pays dans lequel il vit ou a vécu et peut faire référence à des situations authentiques. Pour le locuteur non natif, il faudra avoir séjourné longtemps dans le pays pour pouvoir s’imprégner en profondeur de la culture et garder le contact à travers des lectures et différents médias. Mais attention, un locuteur natif francophone français ne pourra pas forcément connaître la culture québécoise ou celle d’un autre pays de la Francophonie.

Compétences pédagogiques

Enfin, que l’enseignant soit un locuteur natif ou non, l’absence de compétences pédagogiques entraîne plusieurs risques : celui de ne pouvoir être en capacité d’évaluer le niveau d’entrée en formation de l’apprenant, de ne pouvoir proposer une formation pertinente et adaptée au besoin de ce dernier ou encore de ne pas mettre en œuvre des activités favorisant un engagement actif de l’apprenant. Pour l’enseignant locuteur non natif, le sentiment d’insécurité linguistique, ou pour reprendre une expression de développement personnel – le syndrome de l’imposteur – peut lui faire craindre de ne pas être à la hauteur et affecter sa confiance en tant qu’enseignant.

Conclusion

La question du locuteur natif vs non natif est bien plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, un enseignant locuteur français ne pourra connaître l’ensemble des variantes régionales utilisées dans l’ensemble des pays de la Francophonie, pas plus que la diversité des cultures. Par ailleurs, la difficulté à recruter pour certaines langues amène à recruter des locuteurs natifs qui n’ont aucune formation en pédagogie et qui auront par conséquent des difficultés à animer un cours de langue efficace. La clé réside alors dans le développement de compétences linguistiques, culturelles et pédagogiques des enseignants.

Quelques lectures sur ce sujet:

Les outils du Conseil de l’Europe à la disposition des enseignants de languess étrangères : vers une redéfinition de la compétence professionnelle des enseignants non-natifs, Maria Roussi : https://www.academia.edu/43427299/Les_outils_du_Conseil_de_lEurope_%C3%A0_la_disposition_des_enseignants_de_languess_%C3%A9trang%C3%A8res_vers_une_red%C3%A9finition_de_la_comp%C3%A9tence_professionnelle_des_enseignants_non-natifs

Politique de formation des professeurs de langues en faveur de la diversité, Conseil de l’Europe https://rm.coe.int/politique-de-formation-des-professeurs-de-langues-en-faveur-de-la-dive/1680887838

Enseignant(e) non-locuteur(trice) natif(ve) de la langue qu’on enseigne : avantages, inconvénients et conséquences qui en découlent,  Les reflets du 34è congrès de l’AQEFLS p79 https://cepeo.on.ca/wp-content/uploads/sites/18/2018/09/Reflet_AQEFLS_2014.pdf

Le locuteur natif et son idéalisation : un demi-siècle de critiques, Valelia Muni Toke https://www.persee.fr/doc/hel_0750-8069_2013_num_35_2_3454

Native English-speaking teachers : always the right choice? https://www.britishcouncil.org/voices-magazine/native-english-speaking-teachers-always-right-choice?utm_source=google.com&utm_medium=organic